Chronique ornithologique

Lionel Maumary Points de vue et actualité ornithologique par le biologiste Lionel Maumary.

Un Elanion blanc à Aubonne

Lionel Maumary, Oiseaux.ch, 11.04.2020

Ce n'était pas un poisson d'avril ! Le 1er avril 2020, juste avant la tombée de la nuit, David Berthold et Mathieu Bally repèrent un Elanion blanc posé dans la plaine de l'Alliez, sous Féchy et Aubonne VD. Quelques chanceux purent le voir chasser en vol stationnaire et capturer un campagnol juste avant la nuit, puis encore le lendemain matin, avant qu'il ne s'envole vers le nord-est peu après 8h. Il s'agissait d'un immature de 2e année. Rarissime en Suisse jusqu'à la fin du XXe siècle, l'Elanion y est devenu presque régulier depuis 2008, reflétant sa progression comme nicheur en France.

Elanion blanc, Aubonne VD, 2 avril 2020. Lionel Maumary.

L'Elanion blanc niche surtout dans le sud de l'Afrique, en Inde et dans le sud-est de l'Asie. Quelques populations nichent dans le nord de l'Afrique, le long du Nil en Egypte, au Maroc, dans le
nord de l'Algérie et de la Tunisie ainsi que sur la péninsule Ibérique. L'expansion de l'espèce au Portugal et en Espagne est une conséquence du défrichement des forêts de chênes en Espagne pendant les années 50 et 60, probablement aussi favorisée par le réchauffement climatique. Il est maintenant nicheur régulier dans le sud-ouest de la France avec un effectif de 4-7 couples, et un couple a même été observé d'août 1994 à mai 1995 en Normandie F. En 1998, un couple s'est reproduit dans les Grands Causses de Lozère. L'espèce est apparue trois fois en Suisse, ainsi qu'une fois respectivement dans les régions limitrophes de l'Ain F, d'Alsace F et du Vorarlberg A. Ces observations témoignent probablement de l'expansion actuellement en cours.

Dans la région méditerranéenne, l'Elanion blanc niche principalement de février à avril. Nomade, il se disperse plus ou moins loin hors de la période de reproduction, ce qui explique l'apparition d'égarés jusqu'en Suisse. L'Elanion blanc est observé presque chaque année en Suisse depuis 2008, année qui marque le début d'une progression exponentielle en France. Dans ce pays, on comptait 32 couples en 2009. Les effectifs ont continué d'augmenter jusqu'en 2012 et 2013, pour atteindre entre 110 et 120 couples, dont 75 à 80 % en Aquitaine et 20 % à 25 % en Midi-Pyrénées (COGNET et al. 2015).

En Europe, l'Elanion blanc niche dans les vergers d'oliviers et d'autres milieux semi-ouverts. En hiver, il fréquente les plaines agricoles ouvertes, souvent au bord des routes à l'affût des
micromammifères dont il se nourrit. Les passereaux, reptiles et invertébrés complètent le régime alimentaire. Plutôt solitaires lorsqu'ils chassent, les Elanions se rassemblent dans des dortoirs communautaires hors de la période de reproduction.

Les observations en Suisse s'inscrivent dans le cadre de l'expansion observée sur la péninsule Ibérique puis en France: suite à la progression de l'espèce dans la péninsule Ibérique depuis 1950, la présence de couples cantonnés a été signalée dans les Pyrénées-Atlantiques F, puis dans les Landes F au début des années 80. De 1983 à 1989, un couple a construit un nid à la limite de ces 2 départements, sans qu'il y ait eu reproduction. Le premier élevage de jeunes jusqu'à l'envol a eu lieu en 19908 ; depuis cette date, 4-7 couples se sont reproduits, essentiellement dans les Landes, avec 75 jeunes à l'envol jusqu'en 2002. Il est possible que l'espèce se soit déjà reproduite en France au XIXe siècle. L'Elanion blanc ne paraît actuellement pas menacé, mais il est localement affecté par l'utilisation de pesticides et par l'intensification de l'agriculture.



DONNÉES SUISSES (22/22):


[1] 29 avril 1990: Cartigny GE, 1 ind. (Calame 1990);
[2] 30 octobre 1994: Kaltbrunner Riet SG, 1 ind. (Geisser 1998);
[3] 15-16 juillet 2003: Altikon ZH, 1 ind. (A. Widmer, F. Meyer) ;
[4] 15 juillet 2006 : Köniz BE, 1 a. c. (P. Lustenberger, A. Haas-Lustenberger) ;
[5] 3 août-10 novembre 2008: Avusy et Laconnex GE, 3 août-10 novembre 2008, 2 a. c., capt., phot. in Nos Oiseaux 55: 237 ;
[6] 3 avril 2009: Neeracherried ZH, 1 ind. (D. Marques, R. Ott) ;
[7] 2 août 2009 : Orbe VD, ad. (E. Bernardi) ;
[8] 30-31 mars 2010: Laconnex GE, phot. (Gr. Schaub) ;
[9] 2 août 2010: Wauwilermoos LU/SG, au moins 2 a. c., phot. (D. Muff et al.) ; Kaltbrunner Riet, 4 août, au moins 2 a. c., phot. (St. Röllin) ;
[10] 6 juin 2012: Kaltbrunner Riet SG, au moins 2 a. c., phot. (W. Rutz, St. Röllin) ;
[11] 18-22 novembre 2012: Meinisberg BE, au moins 2 a. c., phot. In Nos Oiseaux 60 : 30, 2013 (A. Blösch et al.) ;
[12] 25 août 2012: Untervaz GR, au moins 2 a. c., phot. (L. Galliard) ;
[13] 16 octobre 2012: Boudevilliers NE, phot. in Nos Oiseaux 59 :206, 2012 (J. Mazenauer, G. Marcacci);
[14] 30 octobre 2014: Schwerzenbach ZH, phot. (P. Schuler) ;
[15] 14 octobre 2015: Schönenbuch BL, 1 ind. (Chr. Berger) ;
[16] 18 octobre 2016: Rothrist AG, ad. (S. Leutwyler), Brittnau AG, 18 octobre, ad. (S. Betschart) ;
[17] 11 août 2017: Chrümmi/Ried bei Kerzers FR, 11 août 2017 (St. Strebel, P. Mosimann-Kampe) ;
[18] 17 août 2017: Häusernmoos BE, 1 ind. (E. Reist) ;
[19] 3 avril 2017: Kaltbrunner Riet SG, 2 a. c., phot. (Kl. Robin, K. Mettler, R. Noser, R. Schwitter) ;
[20] 9 mai 2017: Bière VD, phot. (Y. Rime); Mollens, 10 mai, phot. (O. Jean-Petit-Matile) ;
[21] 28-29 mai 2017: Benknerriet et Kaltbrunner Riet SG, phot. (M. Schäfer, Kl. Robin, E. Christen) ;
[22] 10 septembre 2019: Müntschemier BE, phot. (P. Christe, A. Bassin).


La donnnée du 20 septembre 1903 au Lindental BE près de Berne n'est pas documentée de façon suffisante. L'observation du 7 janvier 1990 à Sternenberg ZH, acceptée précédemment comme Elanus sp., a été refusée après révision.