Chronique ornithologique

Lionel Maumary Points de vue et actualité ornithologique par le biologiste Lionel Maumary.

Un Merle blanc hante le parc Bourget

Lionel Maumary, Oiseaux.ch, 27.01.2011

>> voir également l'article de Philippe Dubath dans 24Heures

Un Merle blanc hante le parc Bourget à Vidy cet hiver. Il s'agit en fait d'un Merle noir albinos, présentant un défaut complet de pigmentation. Les Merles blancs ou partiellement blancs sont relativement fréquents dans les zones urbaines. Ces oiseaux sont très visibles et sont des proies faciles pour l'Epervier ou l'Autour. Leur survie dépend de leur vigilance à l'égard des prédateurs, ce que l'oiseau de Vidy semble bien avoir compris, tant il sait se dérober à l'observation!

Le Merle noir niche dans la majeure partie de l’Europe, au sud du cercle polaire à l’exception du nord de la Norvège, ainsi qu’au Maghreb, au Moyen-Orient, dans le centre et le sud de l’Asie, le sud de l’Australie et la Nouvelle-Zélande. La sous-espèce nominale niche en Europe occidentale et septentrionale, remplacée par T. m. aterrimus des Balkans au Caucase et au nord de l’Iran ; T. m. syriacus se trouve du Levant à travers la Mésopotamie jusqu’au Turkménistan, T. m. mauritanicus au Maghreb, T. m. cabrerae à Madère et aux Canaries, T. m. azorensis aux Açores ; 9 autres sous-espèces se trouvent dans le sud de l’Asie. Avec plus de 12'000'000 de couples, l’Allemagne héberge 30 % de la population européenne (Russie non comprise). Les populations du nord de la Scandinavie et du nord de la Russie sont entièrement migratrices se dirigeant vers les côtes de la Baltique et l’Europe occidentale en hiver, un petit nombre atteignant même les côtes d’Islande, ce qui implique un vol de plus de 1'000 km au-dessus de la mer du Nord. Celles d’Europe centrale et occidentale, partiellement sédentaires, se décalent vers l’ouest et le sud-ouest, atteignant en petit nombre le Maghreb par les îles méditerranéennes, les Baléares notamment.

L’espèce est répandue dans toute la Suisse, en plaine comme en montagne, n’étant absente que des hautes Alpes, où il s’avance tout de même localement au-delà de 2'000 m d’altitude. La densité des nicheurs décroît régulièrement avec l’altitude ; dans le Jura, la limite supérieure se situe aujourd’hui vers 1'500 m (1'330 m en 1960), dans les Préalpes vers 1'600 m (1'520 m en 1960) et dans les Alpes vers 2’200 m (1'950 m en 1960). De modestes concentrations se produisent au moment culminant du passage automnal sur les cols alpins de Bretolet VS, de la Croix VD, du Hahnenmoos BE ou de Jaman VD ainsi qu’au bord des grands lacs, que l’espèce évite de traverser. Les oiseaux indigènes sont majoritairement sédentaires, mais des rassemblements pouvant compter jusqu’à 500 oiseaux se produisent en hiver dans des dortoirs dans certains sites favorables, notamment aux abords des agglomérations.

Dès le mois de juillet, les jeunes se dispersent hors des sites de nidification. Une partie importante de la population est sédentaire, les sites de nidification étant occupés tout au long de l’année, aussi en montagne. Sur les cols alpins, la migration postnuptiale n’est guère sensible avant mi-septembre, culmine dans la première moitié d’octobre et se termine fin novembre. Des fuites hivernales peuvent se produire jusqu’en février. La migration de printemps, à peine perceptible, débute mi-février, culmine en mars et se termine début avril. Au cours du XXe siècle, la date d’arrivée des premiers migrateurs s’est avancée d’env. deux semaines en Suisse, comme dans le nord de l’Europe, conséquence probable du réchauffement climatique, ce qui se traduit par une ponte plus précoce ; la migration d’automne s’est retardée dans une moindre mesure.

La colonisation des agglomérations a commencé au milieu du XIXe siècle en Suisse et dans le sud de l’Allemagne, puis s’est propagée en direction du nord-est. Ce processus est toujours en cours p. ex. en Pologne, dans les pays baltes et en Russie. Ces dernières décennies, l’espèce a su tirer profit de l’extension des zones d’habitation, mais des déclins ont été enregistrés dans les paysages intensivement cultivés du nord de l’Europe. Entre l’atlas de 1972-76 et celui de 1993-96, la situation est demeurée globalement stable, avec toutefois 8 nouveaux carrés kilométriques occupés dans les Alpes, ce qui représente une expansion de 2 %. Le Merle noir est en expansion vers les hauteurs depuis les années cinquante, lorsqu’il était encore absent de certaines régions de Basse-Engadine, alors qu’il y niche à 2’200 m d’altitude aujourd’hui. Les hivers rudes du milieu des années huitante, qui ont aussi touché les hivernants au sud de la Suisse, ont entraîné une légère baisse de l’effectif nicheur. Pendant les années nonante, les hivernants ont profité de conditions plus clémentes.