Chronique ornithologique
Points de vue et actualité ornithologique par le biologiste Lionel Maumary.Un Martinet pâle dans le Jura
Au cours du mois de juillet 2009, un agriculteur du Jura bernois a repéré un martinet plus brun que les autres visitant les nichoirs de sa ferme. Suspectant qu’il s’agissait d’un Martinet pâle, il fait appel à Albert Bassin, qui pourra confirmer l’identité de l’oiseau en le capturant. Il s’agit de la première donnée pour la région jurassienne, cette espèce méditerranéenne étant extrêmement rare au nord des Alpes.
En Suisse, l’espèce ne niche qu’à l’église San Antonio de Locarno TI, à 200 m d’altitude, depuis 1987 au moins. Il s’agit de la colonie la plus septentrionale de l’espèce ; il n’existe que 5 observations hors du Tessin, à Weggis LU, Fully VS, Martigny VS, Fiescheralp VS et Pully VD. Les Martinets pâles de Locarno arrivent sur leur site de nidification entre mi-mars et début avril et le quittent vers mi-octobre, au plus tard début novembre. Les seules observations hors du Tessin datent des 19 mai, 2 juin, 17, 19 et 29 juillet.
L’aire de nidification du Martinet pâle est limitée aux côtes et archipels de l’Atlantique occidental, au pourtour méditerranéen puis de la péninsule Arabique au Pakistan. Toute la population hiverne en Afrique dans la ceinture sahélienne, à l’exception de quelques individus sédentaires dans le Sahara, en Egypte et au Pakistan.
Le Martinet pâle a étendu son aire vers le nord à partir du bassin méditerranéen depuis les années 30, colonisant de nouveaux sites en Corse, dans le sud de la France et en Italie du Nord. Les effectifs sont en augmentation en Europe et semblent stables ailleurs. En France, la population a été estimée à 1'500-2'000 couples à la fin des années 90 contre 100-1'000 couples en 1976. L’accroissement de la population et l’extension de l’aire de reproduction apparente se sont manifestés dès 1950 avec la découverte des premières colonies continentales, l’espèce n’étant auparavant connue qu’en Corse; il est possible que l’espèce soit passée inaperçue auparavant en raison d’une méconnaissance des critères d’identification.
L’unique colonie suisse a été découverte en 1987, mais elle existait sans doute depuis un certain temps déjà, comme en témoignent probablement une observation ancienne au bord du lac Majeur I à Pallanza I en 1960 et un spécimen du début du XXe siècle conservé au Musée de Locarno, malheureusement sans mention précise du lieu ni de la date de découverte. Après avoir culminé à 22 couples en 1988/89, l’effectif nicheur a chuté à 11 couples en 1994/95 avant de remonter à 15 couples en 1997 et 2000 puis de fluctuer entre 9 couples en 2002, au moins 12 en 2003 et au moins 18 en 2004.
Limitée à un seul site de nidification, la population helvétique est très fragile face aux mesures de rénovation ainsi qu’à la concurrence des Pigeons bisets domestiques qui occupent les mêmes cavités de nidification. En 1988, ces cavités ont été fermées pour empêcher l’accès aux pigeons, et la colonie n’a pu être sauvée que grâce à une intervention d’urgence.