Chronique ornithologique

Lionel Maumary Points de vue et actualité ornithologique par le biologiste Lionel Maumary.

Visiteurs venus du Grand-Nord

Marjorie Siegrist, Terre et Nature, 10.02.2011

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Cet hiver, des oiseaux comme l’oie à bec court ou la buse pattue ont fui les chutes de neige et les températures sibériennes pour venir hiverner sur le Plateau et les plans d’eau de Suisse. Portraits de quelques raretés.

Cette année, les ornithologues sont d’autant plus motivés à braver le froid qu’une série de visiteurs ailés inhabituels ont rejoint la Suisse. «Les températures glaciales et les chutes de neige qui se sont abattues dès novembre, puis en décembre, sur le nord de l’Europe, ont entraîné l’arrivée de plusieurs espèces de migrateurs partiels, explique l’ornithologue Lionel Maumary. Les oies et les cygnes nordiques résistent sans peine à des températures polaires, à condition que leurs sources de nourriture restent accessibles. Lorsque les lacs gèlent et que la toundra se recouvre de neige, ils sont contraints de partir vers le Sud pour pouvoir se nourrir.» Parmi les stars de l’hiver,certaines sont totalement inédites en Suisse! Des mésanges à longue queue et à tête blanche ont afflué pour la première fois.Des groupes comptant plusieurs individus ont pu être observés jusque dans les parcs publics et les jardins. Pour admirer les autres visiteurs sibériens, il faut toutefois privilégier les réserves naturelles, qui bordent les lacs de Neuchâtel, du Léman ou les espaces cultivés du Plateau. «Grâce aux températures douces actuelles, ces oiseaux peuvent séjourner sans problème et reprendre des forces», a indiqué la Station ornithologique suisse. Des forces, il leur en faudra pour repartir, fin février ou début mars, vers leurs sites de nidification, situés à plusieurs milliers de kilomètres de la Suisse.

MÉSANGE À LONGUE QUEUE ET À TÊTE BLANCHE
(Aegithalos caudatus caudatus)


Ce petit passereau se distingue des mésanges à longue queue locales par l’absence de bandeaux noirs au-dessus de l’oeil. Cette caractéristique permet de l’attribuer à une sous-espèce nord-orientale, qui n’était jamais venue jusqu’en Suisse. Ces nuées de mésanges à longue queue à tête blanche ont parcouru 2000 à 3000 kilomètres pour passer l’hiver sous nos latitudes. «Elles sont arrivées fin octobre, bien avant la phase de froid. Ce phénomène n’a jamais été documenté. Il est difficile à expliquer», relève l’ornithologue. Si ces petits oiseaux, dont le poids n’excède pas 10 grammes, restent en bande, c’est pour assurer leur survie. Ils passent la nuit dans les arbres, serrés les uns contre les autres, pour limiter les déperditions de chaleur.

CYGNE DE BEWICK
(Cygnus columbianus)


Plus petit et rondelet que le cygne chanteur, mais doté du même bec jaune, c’est le plus rare des cygnes européens. Il niche au-delà du cercle polaire, dans la toundra arctique. Depuis une trentaine d’années, l’espèce hiverne régulièrement sur les plans d’eau de Suisse. Le cygne de Bewick se nourrit de végétation subaquatique, mais surtout d’herbe et de graines,dans les champs où il se repose. Bruyant, il se reconnaît à ses cris trompetants. Plusieurs individus ont été vus au Fanel (BE),dans la plaine de la Broye (VD/FR) et aux Grangettes (VD).

BUSE PATTUE
(Buteo lagopus)


Elle doit son nom à ses tarses plumés, qui sont une adaptation au rude climat de la toundra arctique, où elle niche. La buse pattue ne rejoint la Suisse que lors des hivers très froids. Un tel afflux n’avait plus été constaté depuis l’hiver 1986-1987, où 162 individus avaient été signalés. Solitaire, la buse pattue chasse à l’affût depuis un poste élevé ou en vol sur place. Elle apprécie les grandes cultures, pâturages et marais du Plateau. «Dans certains endroits, la concurrence entre les buses est vive. Elles sont parfois cinq sur un campagnol», a observé Lionel Maumary.

POUILLOT DE PALLAS
(Phylloscopus proregulus)


C’est le plus marqué des pouillots. Il est d’un vert vif. Sa tête est clairement rayée de jaune, noir et vert foncé. Presque aussi petit qu’un roitelet, ce passereau vit en forêt, ce qui le rend d’autant plus difficile à observer.«Normalement, il niche en Sibérie et hiverne en Asie du Sud-Est, précise le spécialiste.Celui qui a été vu à Olten, début décembre, s’est sans doute trompé de direction. Chaque année, quelques-uns de ses congénères sont aperçus sur les îles de la mer du Nord, bien loin de leur destination première.»

OIE À BEC COURT
(Anser brachyrhynchus)


Pour la première fois, un individu hiverne dans la réserve du Fanel (BE).L’oie à bec court se distingue grâce à ses pattes roses de l’oie des moissons, dont elle partage les moeurs. Elle niche sur la côte est du Groenland, en Islande et dans les archipels situés au nord de la Norvège. L’atlas Les oiseaux de Suisse indique que l’espèce n’apparaît qu’exceptionnellement à l’intérieur du continent.