Chronique ornithologique
Points de vue et actualité ornithologique par le biologiste Lionel Maumary.Un Plongeon du Pacifique Gavia pacifica dans les Grisons!
Incroyable mais vrai, la rumeur de la présence d'un Plongeon du Pacifique sur le petit lac alpin de Silvaplana, dans les Grisons, a été confirmée après près d'une semaine de débats dans les milieux ornithologiques. La nouvelle a fait l'effet d'une bombe, tant il paraissait improbable que ce plongeon termine sa migration à 1'800 m d'altitude au milieu des Alpes suisses, à plus de 6'000 km des toundras de Sibérie orientale, d'Alaska et de l'ouest du Canada dont il est issu. Cet oiseau pourrait séjourner sur le lac de Silvaplana jusqu'à ce qu'il soit gelé, ce qui n'arrivera sans doute pas avant l'année prochaine. Il est très peu farouche et se laisse photographier surtout à l'extrémité sud-ouest du lac, dont il fait régulièrement le tour en longeant la rive.
Malheureusement, le matin du 26 décembre, l'oiseau a été retrouvé mort flottant sur le lac. Encore vivant le jour de Noël, il ne plongeait plus et avait l'oeil vitreux. Il semble qu'il soit mort d'inanition, n'ayant jamais été observé en train de capturer ou d'avaler une proie. Epuisé par son long voyage, il n'avait probablement plus la force de repartir, restant prisonnier des montagnes sur ce petit lac qui est devenu son tombeau. Ironie du sort, le lac de Côme, en bordure de la plaine du nord de l'Italie, se trouve à moins de 50 km au sud-ouest du lac de Silvaplana.
Niels Ammitzböll a transmis à Stefan Werner les photos d'un plongeon indéterminé, photographié le 15 décembre 2015 sur le lac de Silvaplana. Après consultation de la littérature et de plusieurs experts, il s'est avéré qu'il s'agissait d'un Plongeon du Pacifique et non d'un Plongeon arctique. Autrefois considéré comme une sous-espèce du Plongeon arctique, le Plongeon du Pacifique a récemment été élevé au rang d'espèce, notamment en raison de la cohabitation des deux formes dans certaines régions de Sibérie et d'Alaska, apparemment sans hybridation. En toute saison, les deux espèces se distinguent par la présence ou l'absence d'une tache blanche à l'arrière des flancs. Outre ses flancs uniformément sombres, le Plongeon du Pacifique présente également une ligne sombre sous le menton et une autre délimitant les sous-caudales, un cou « gonflé » ainsi que le manteau et le dos fortement marqué. Il est également un peu plus petit, avec un bec plus fin et plus court et une nuque plus pâle comparativement au Plongeon arctique.
Le Plongeon du Pacifique remplace le Plongeon arctique dans la toundra du nord de la Sibérie et de l'Amérique du Nord, depuis l'embouchure de la Léna à travers le détroit de Béring et le nord de l'Alaska jusqu'à l'île de Baffin au Canada. Il hiverne en mer, principalement sur les côtes du Pacifique, mais aussi sur de grands lacs. Sa répartition est alors beaucoup plus vaste et on peut le rencontrer en Chine, au Japon, en Corée du Nord, en Corée du Sus, aux Etats-Unis et au Mexique.
Il n'existe guère plus d'une dizaine d'observations en Europe, la plupart en Grande-Bretagne, où les 3 premières données datent de 2007, la 4e de 2009 (premières données pour le Paléarctique occidental). Un jeune est apparu en Cantabrie (Espagne) en novembre 2009, puis un autre en Grande-Bretagne en décembre 2009 puis en Irlande et en Finlande en 2010. Plusieurs oiseaux sont revenus hiverner par la suite aux mêmes endroits en Grande-Bretagne, où quelques autres individus ont été observés, aussi aux Shetland. Les premières données pour la Suède et la Norvège datent respectivement de mai et juillet 2015.