Chronique ornithologique
Points de vue et actualité ornithologique par le biologiste Lionel Maumary.Des Fuligules à bec cerclé en Suisse romande
Surnommé « Donald », le mâle de Fuligule à bec cerclé qui a hiverné à Genève en 2018/19 est fidèlement revenu cet hiver dans la cité de Calvin. Plus surprenant, un deuxième mâle a été trouvé pour la première fois sur le lac de Morat VD/FR du 30 décembre 2019 au 11 janvier 2020. Toute aussi inattendue fut la découverte par Eric Bernardi d'un mâle à la Dullive (Gland VD), qui y séjourna au moins du 1er au 15 février 2020. Il semble s'agir d'un troisième individu, car il ne présente pas le même plumage que celui du lac de Morat et a été observé simutanément à celui hivernant à Genève. La fréquence inhabituelle de ce canard nord-américain en Suisse romande est sans doute due aux tempêtes qui ont balayé la côte est des Etats-Unis pendant l'automne 2019, également responsables de l'arrivée de la Mouette atricille à Allaman.
Fuligule à bec cerclé mâle. La Dullive à Gland VD, 8 février 2020. Lionel Maumary.
Le Fuligule à bec cerclé niche en Alaska et dans le centre et l'est du Canada, l'aire s'étendant jusqu'en Californie sur la côte pacifique. Il hiverne principalement en Amérique centrale et sur les côtes des Etats-Unis. L'espèce a été signalée pour la première fois en 1955 sur les îles Britanniques, où elle est devenue annuelle dès la fin des années 70 avec au total 430 individus (jusqu'en 2001). D'autres données en Europe proviennent d'Islande, des îles Féroé, de Belgique, des Pays-Bas, du Danemark, de Norvège, de Suède, de Finlande, de Pologne, des îles atlantiques, du Portugal et de Roumanie. Dans les pays voisins, il existait 137 observations en France (dont 5 du Léman jusqu'en 2003), 24 en Allemagne (jusqu'en 1999), 2 en Autriche (jusqu'en 2000) et 3 en Italie (jusqu'en 2002). Certaines observations peuvent concerner des échappés de captivité, mais le retour à travers l'Atlantique a été prouvé à 2 reprises: un mâle bagué le 7 septembre 1967 au Nouveau-Brunswick (Canada) a été tiré le 26 décembre 1967 à Brecon (Pays de Galles) et un mâle adulte bagué le 1er mars 1977 à Slimbridge (Angleterre) a été tiré le 23 mai 1977 à Isertoq au sud-est du Groenland.
En Suisse, le Fuligule à bec cerclé est apparu entre le 17 novembre et le 4 mai (à l'exception de 2 observations fin septembre/début octobre). Certaines observations concernent le même individu retournant l'hiver suivant au même endroit. Le Léman et le Rhône genevois récoltent deux tiers des observations. En effet, la plupart des observations proviennent de la partie occidentale du Petit-Lac entre Genève et Tannay VD. L'observation en 1966 d'une femelle du côté français du Léman, peu après celle de 2 mâles du côté suisse, a constitué la première donnée pour la France, et celle de 1969/70 au lac Inférieur la première pour l'Allemagne.
La plupart des observations en Europe ont eu lieu de fin septembre à fin mai, tout comme en Suisse. Depuis le milieu du XXe siècle, l'espèce a largement étendu son aire de reproduction à l'est des grands lacs américains, ce qui coïncide avec les premières observations en Europe et sur le Léman. Les mâles prédominent car ils sont plus facilement repérables que les femelles.
Le Fuligule à bec cerclé se mêle souvent aux Fuligules morillons, au bord des lacs et des grandes rivières de plaine. Il recherche parfois aussi des milieux plus confinés que les autres fuligules. Diurne et nocturne, le Fuligule à bec cerclé peut plonger jusqu'à une profondeur de 13 m à la recherche de moules et autres invertébrés ainsi que de végétaux aquatiques et leurs graines. Avec une population de 1.22 million d'individus, le Fuligule à bec cerclé ne paraît actuellement pas menacé.