Chronique ornithologique
Points de vue et actualité ornithologique par le biologiste Lionel Maumary.Un Faucon sacre au Simplon !
L'après-midi du 22 août 2016, Jacques Cloutier et Lionel Maumary observaient les oiseaux près du col du Simplon (Haut-Valais), à plus de 2'000 m d'altitude, lorsqu'un grand faucon les survole. Pensant d'abord au Pèlerin, ils prennent des photos du rapace qui tourne deux fois au-dessus d'eux puis file vers le sud-ouest. L'observation a duré moins d'une minute et l'oiseau est passé au plus près à environ 150 mètres. Immédiatement, la fine moustache, les couvertures sous-alaires sombres, les sous-caudales beige unies contrastant avec les culottes striées et la longue queue excluent le Faucon pèlerin. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les photos ne laissent aucun doute sur son identité : c'est un Faucon sacre ! Ne présentant aucun signe de captivité (ni bague, ni grelots, ni lanières de fauconnerie), cet oiseau est vraisemblablement sauvage et en dispersion juvénile, le premier vu en Suisse.
Le Faucon sacre se distingue du Faucon pèlerin notamment par les couvertures sous-alaires sombres contrastant avec les rémiges pâles. Proche du Faucon lanier, avec lequel il partage les moustaches très fines, le Sacre s'en différencie par le contraste marqué entre les culottes fortement striées et les sous-caudales beige unies. Simplon VS, 22.8.2016. L. Maumary.
Espèce typique des grands espaces des steppes et plaines désertiques, ce grand faucon atteint la limite occidentale de son aire de nidification dans la puszta à la frontière austro-hongroise. Le Faucon sacre niche principalement dans le centre et le sud de l'Eurasie, la sous-espèce nominale s'étendant de l'extrême est de l'Autriche et de la Hongrie à travers l'Ukraine et le Kazakhstan jusqu'au pied de l'Altaï; la sous-espèce F. c. milvipes la remplace du sud de la Sibérie centrale à la Chine. Avec respectivement 150-200 et 100-120 couples, l'Ukraine et la Hongrie hébergent ensemble près de trois quarts de la population européenne. L'Autriche compte 5-10 couples dans l'est de la Basse-Autriche (March-Thaya-Auen et Weinviertel) et dans le nord de Burgenland (Leithagebirge, Seewinkel). Depuis 1997, l'espèce niche en Saxe D, et en 1998 a eu lieu la première nidification en Pologne. La population occidentale hiverne du Moyen-Orient à l'Afrique orientale et au nord-ouest de l'Inde, celle d'Extrême-Orient de l'Iran au sud de la Chine; un petit nombre hiverne régulièrement dans les Balkans, le sud de l'Italie et la Tunisie. En Suisse, l'espèce n'est apparue que comme échappée de captivité jusqu'à présent. Les deux seules données concernant des oiseaux probablement sauvages dans la région considérée proviennent du Vorarlberg A.
Les populations septentrionales sont migratrices alors que celles du sud de l'aire de nidification sont partiellement sédentaires. Les sites de nidification européens sont en général désertés entre octobre/novembre et février/mars, mais certains oiseaux sont sédentaires.
L'espèce a décliné de plus de 90% dans son aire européenne jusque dans les années 80, après quoi elle s'est partiellement rétablie grâce aux efforts de protection: en Hongrie, l'effectif nicheur est passé de 20 couples en 1960 à 100-120 à la fin du XXe siècle.
Le Faucon sacre habite les plaines steppiques, parsemées ou non d'arbres, ainsi que les canyons et hauts-plateaux désertiques et les plaines alluviales. Il chasse volontiers dans les paysages ouverts près des marais et des lacs. Il se nourrit principalement de petits rongeurs, plus rarement d'oiseaux de taille moyenne et de reptiles. Le Sacre guette ses proies depuis un poste élevé, souvent le pylône d'une ligne à haute tension, le sommet d'une falaise ou une colline. Il peut aussi explorer le terrain à faible hauteur, accélérant une fois la proie repérée.
La persécution directe est l'une des principales causes du déclin de l'espèce. Le Faucon sacre est très recherché par les fauconniers arabes, qui proposent des sommes insensées pour obtenir des oiseaux d'origine sauvage, qu'il s'agisse d'adultes ou de jeunes dénichés. En outre, les collisions avec les câbles aériens et le recul des proies dû à l'exploitation agricole et la destruction des habitats menace ses populations, dont les effectifs sont le plus souvent faibles.