Chronique ornithologique
Points de vue et actualité ornithologique par le biologiste Lionel Maumary.Invasion de Faucons kobez
Invasion de Faucons kobez
Dès fin avril et aujourd'hui encore, des Faucons kobez sont observés un peu partout en Suisse. Leur nombre et la durée de leur séjour est très inhabituel : ces oiseaux semblent profiter de l'émergence de Hannetons de la Saint-Jean et d’éphémères. Originaire des steppes orientales, on ne voit ce rapace pratiquement qu’en mai, lorsqu’il revient de sa migration en boucle à travers toute l’Afrique, qui se calque sur celle des criquets migrateurs. Cerclant lentement dans le ciel, les petits faucons capturent les insectes au vol, alternant planées et coups d’ailes souples. Le mâle adulte, entièrement gris ardoisé avec des éclats argentés sur les ailes, les culottes rousses et les parties de peau nue rouge orangé, est caractéristique. La femelle au corps beige orangé et l’œil fardé de noir est très différente du mâle ; les ailes et la queue sont grises barrées de noir. Le jeune peut être confondu avec un Faucon hobereau en raison de sa poitrine striée longitudinalement, mais le front est plus pâle. La plupart des oiseaux observés en Suisse sont des immatures de première année, qui conservent des rémiges et rectrices juvéniles.
La répartition du Faucon kobez est liée au climat continental. Il niche dans les steppes boisées d’Europe orientale et du sud de la Sibérie, de la Baltique jusqu’à la Léna, au sud jusqu’au Kazakhstan. Tous les oiseaux hivernent dans les savanes du sud-ouest de l’Afrique (Angola, Namibie, Botswana et Rhodésie). Le Faucon kobez effectue une migration en boucle, le passage s’effectuant à l’est de la Méditerranée en automne, et plus à l’ouest au printemps.
La Suisse se trouve à la limite occidentale de l’aire de migration printanière normale de l’espèce. Le Faucon kobez peut être observé au printemps dans toutes les régions de plaine, mais surtout dans le sud et l’est du pays. Les premiers migrateurs de printemps arrivent dès mi-avril, exceptionnellement plus tôt (une seule donnée de mars), puis le passage s’intensifie rapidement et culmine pendant les deux premières décades de mai, ne laissant que quelques retardataires après mi-juin, parfois jusqu’en juillet. Les migrateurs peuvent faire escale plusieurs jours ou plusieurs semaines dans un site favorable, surtout lors des années à hannetons. En Suisse, environ trois quarts des observations concernent 1-2 oiseaux et le dernier quart des groupes de 3-10 individus, les rassemblements comptant plus de 10 ind. ne représentant que 3,5 % des données.
Le déclin du Faucon kobez en Europe est directement lié à l’utilisation croissante de pesticides pour l’agriculture intensive, qui réduit la quantité d’insectes, ainsi qu’à la mise en culture des steppes et marais. L’épandage à grande échelle de DDT, dans le but d’éliminer les criquets notamment, a largement contribué au rétrécissement de son aire de nidification La conservation de ce rapace purement insectivore implique une réduction de l’utilisation de biocides dans tous les pays d’Europe traversés pendant la migration ainsi que dans les zones d’hivernage en Afrique; par exemple dans la plaine de Loèche en Valais central, l’offre en Hannetons communs semble en constante diminution, tendance qui va probablement s’accélérer avec l’exploitation d’un golf aménagé en 2000.