Chronique ornithologique

Lionel Maumary Points de vue et actualité ornithologique par le biologiste Lionel Maumary.

Nidification réussie du Tadorne de Belon à l'île aux oiseaux de Préverenges

Lionel Maumary, Oiseaux.ch, 20.08.2015

Le 29 mai 2015, 10 poussins de Tadornes de Belon ont éclos à l'île aux oiseaux de Préverenges. Ils y sont restés jusqu'au 8 juin, lorsque la famille a déménagé sur le rivage de Fraide Aigue à St-Prex, distant de 6 km en ligne droite de l'île aux oiseaux, comme en 2012 et 2013. Probablement le même couple avait niché à St-Prex en 2008, puis en 2012 et 2013 à l'île aux oiseaux de Préverenges, avec un 2e couple nicheur en 2013. En 2014, c'est l'inverse qui s'était produit, un couple accompagné de 10 jeunes ayant été aperçu le 21 mai à St-Prex par Eric Bernardi avant d'apparaître deux jours plus tard à l'île aux oiseaux de Préverenges. Ce couple est le seul nichant régulièrement en Suisse depuis 2008.

Couple de Tadornes de Belon à l'île aux oiseaux de Préverenges, 1er avril 2015. L. Maumary

Le Tadorne de Belon niche sur la majeure partie des côtes européennes entre l'ouest de la France et la Scandinavie, jusque dans le nord de l'Allemagne où il est en expansion. Les oiseaux d'Europe occidentale migrent vers la mer de Wadden pour y muer pendant l'été, avant de retourner passer l'hiver sur leur site de nidification ou au sud de celui-ci. En Suisse, l'espèce est rare en migration et en hivernage sur les lacs et les retenues du Plateau, principalement sur le Léman, le lac de Neuchâtel, la retenue de Klingnau AG et le lac de Constance. Cinq cas de reproduction sont connus : 2 à Genève en 1998 et 1999 à la retenue de Klingnau AG en 1998, 1 à Aire-la-Ville GE en 2005 et 1 à Perroy VD en 2005. La plupart des oiseaux observés en Suisse sont des oiseaux sauvages, mais des échappés de captivité peuvent parfois être impliqués.

Espèce très rare jusqu'au milieu du XXe siècle, le Tadorne de Belon n'a par exemple été noté que 7 fois sur le Léman entre 1940 et 1960. La troupe de 14 individus signalée le 15 décembre 1910 près de Genève constituait une observation exceptionnelle à l'époque. La fréquence de l'espèce et ses effectifs ont fortement augmenté dès le début des années 70, en même temps que l'hivernage est devenu régulier. L'effectif de mi-janvier est passé de 7 (0-30) individus en 1968-79 à 15 (7-26) en 1980-91 puis 25 (6-69) en 1992-2003. Les observations estivales sont également devenues plus fréquentes depuis les années 90. L'accroissement des observations en Suisse pourrait être le reflet de l'augmentation généralisée des effectifs nicheurs en Europe du Nord et dans l'ouest méditerranéen depuis 1950, suivie de la colonisation du centre et de l'est du continent dès 1960 et de l'Espagne dès les années 70.

Jusqu'au début du XXe siècle, le Tadorne de Belon a beaucoup souffert de la chasse, qui était responsable de son déclin dans l'ensemble de son aire de répartition. Suite à l'instauration de mesures de protection, la population a pu augmenter, notamment en Camargue F, où l'espèce avait été presque exterminée ; elle s'y est rétablie, au point de compter aujourd'hui plus de 500 couples et d'essaimer vers d'autres secteurs littoraux. Alors que la population d'Europe occidentale est en augmentation, celle d'Europe orientale est en déclin.

Voir aussi les articles de juin 2008, 2012 et 2013.