La Bondrée apivore niche dans la zone climatique tempérée et boréale de toute l'Europe, de la Méditerranée au cercle polaire. Son aire de reproduction est presque entièrement comprise dans les limites du Paléarctique occidental, s'étendant à l'est jusque dans la plaine de Sibérie occidentale. Toute la population hiverne en Afrique tropicale, principalement dans la zone équatoriale de la Guinée au Zaïre. Les migrateurs empruntent préférentiellement les détroits de Gibraltar, du Bosphore et de Messine en Sicile. En Suisse, c'est un nicheur disséminé dans les forêts du Plateau et en moyenne montagne jusque vers 1'500 m d'altitude et un migrateur régulier dans tout le pays, aussi en haute montagne. Le Valais central et les Grisons sont les bastions principaux de l'espèce, avec des concentrations de migrateurs sur certains cols en automne. Les meilleurs sites d'observation du passage d'automne sont le défilé du Fort l'Ecluse (Ain), le col de Bretolet VS, le Gurnigel BE, Gurten BE et l'Eriskircher Ried D. Au printemps, les concentrations de migrateurs sont observées à Hucel (Haute-Savoie) et au Mont-Pèlerin VD. Quelques régions basses ont été désertées entre 1972-76 et 1993-96, les populations de la région du lac de Constance et du canton de Zurich notamment s'étant considérablement réduites depuis les années huitante. Dans l'ensemble, l'effectif des nicheurs semble cependant assez stable, les disparitions étant compensées par de nouvelles colonisations. En Basse-Engadine, entre Ftan et Strada, 4 couples ont été trouvés sur 20 km dans la vallée de l'Inn, effectif qui est resté inchangé de 1988 à 1996. Les moeurs discrètes de l'espèce rendent les recensements aléatoires et difficiles à interpréter en l'absence de preuve concrète de reproduction. Sur le Plateau, dans le Jura et en bordure nord des Alpes, le passage automnal débute à mi-août et culmine rapidement entre la dernière semaine de ce mois et la première de septembre, avec une prédominance d'adultes. A l'intérieur des Alpes au col de Bretolet VS, le passage atteint son maximum avec l'arrivée des jeunes deux ou trois semaines plus tard, vers mi-septembre : les adultes migrent 2 à 3 semaines avant les jeunes et contournent l'arc alpin, alors que ces derniers empruntent une voie plus directe à travers les Alpes et la Méditerranée. Quelques retardataires sont observés jusqu'à la fin du mois, rarement jusqu'à fin octobre. Les données de novembre sont exceptionnelles, la plus tardive étant celle d'un individu le 29 novembre 1952 à Dorigny VD. Au printemps, les premiers migrateurs n'arrivent pas avant la deuxième décade d'avril, le passage débutant normalement à la fin de ce mois. Le nombre de migrateurs augmente rapidement en mai pour culminer dans la deuxième décade de ce mois, après quoi il diminue progressivement pour se terminer dans la première décade de juin. A Hucel F et au Mont Pèlerin VD, le gros du passage prénuptial s'effectue généralement en un ou deux jours entre le 10 et le 15 mai. Les nicheurs s'installent généralement pendant le mois de mai. La Bondrée habite les vieux massifs de feuillus, mixtes ou de résineux, lumineux et exposés au sud. Les coteaux chauds et séchards à pâturages et prairies maigres offrent les meilleures conditions pour la recherche des hyménoptères dont elle se nourrit au sol. Elle excave les terriers des guêpes et des bourdons pour en extraire les larves. Ses pattes sont pourvues de plaques empêchant la pénétration des aiguillons d'hyménoptères. A l'occasion, elle se nourrit aussi de larves d'autres insectes, d'oisillons, de micromammifères, de batraciens et de reptiles, mais les jeunes reçoivent surtout du couvain de guêpes. On l'observe très rarement posée car elle est très farouche. Son cri est semblable au miaulement de la Buse variable, mais plus plaintif et étiré. La Bondrée migre généralement par vagues, mais chaque oiseau est indépendant des autres, les concentrations étant dictées par les conditions météorologiques et les ascendances thermiques locales. La Bondrée niche dans les anciens nids de Corneille noire ou de Buse variable, qu'elle recharge avec des rameaux verts, comportement typique des milans. Les nids sont généralement situés entre 9 et 25 m de hauteur. Elle pond entre fin mai et début juin, la ponte la plus précoce ayant été constatée vers le 15 mai 1936 à Ottenbach. L'incubation dure 30 à 35 jours, dès la ponte du premier oeuf. Les jeunes séjournent au nid pendant 40 à 46 jours. Les aires sont généralement toutes désertées à fin août, au plus tard le 7 septembre 1951 à Seigneux. Il n'y qu'une seule ponte annuelle. La densité du peuplement varie beaucoup d'une région à l'autre : elle est à peine supérieure à 1 couple/100 km2 dans le canton de Zurich, de 3 à 5 couples sur 106 km2 dans le Mendrisiotto, de 4 à 5 couples sur 186 km2 au Pays-d'Enhaut et de 24 couples au maximum sur 317 km2 dans l'ouest lémanique. Dans les années septante, des densités de 4 couples sur 55 km2 entre Yverdon et Yvonand, 10 sur 400 km2 en Ajoie, 2-6 sur 100 km2 entre Oeningen et Aarwangen et 2 sur la même surface au Greifensee ont été recensés. Dans le Jura, la limite supérieure se situe vers 1'000 m d'altitude, alors que dans les Alpes, des nicheurs ont été trouvés à 1'300 m aux Plans-sur-Bex, à 1'400 m près de Ramosch, à 1'480 m à Mathon/Schons et à 1'500 m d'altitude à Lauenen. Durant les dernières décennies, l'habitat de la Bondrée a été fortement modifié par l'urbanisation et l'intensification des pratiques sylvicoles et agricoles. Malgré la difficulté qu'il implique en raison de la timidité de l'espèce sur ses lieux de nidification, le suivi des populations de Bondrées devrait être mieux assuré car la réduction des biotopes riches en nourriture a probablement une influence néfaste sur l'espèce. Les printemps humides peuvent influencer négativement le succès de reproduction de cette espèce dépendante des hyménoptères. La conservation d'un paysage agricole structuré avec des haies et des lisières forestières étagées, surtout sur les pentes exposées au sud, est favorable à l'espèce. |
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