Vol de 312 Grues cendrées photographiées le 16 mars 2015 à 19h à St-Sulpice VD. Yannick Caïtucoli. Le nombre de migrateurs traversant la Suisse a augmenté depuis les années huitante, avec de fortes variations annuelles. La migration fut inhabituellement marquée en 1992 et 1993, avec 49 observations totalisant env. 1'000 individus. Cette évolution est liée à l’augmentation généralisée des effectifs européens, grâce aux efforts de protection menés dans plusieurs pays. Certains sites de nidification abandonnés ont été réoccupés, notamment en Allemagne, où l’aire de nidification s’est étendue de 100 km depuis 1994. L’espèce a niché à nouveau en France depuis 1985, où l’effectif hivernal, notamment au lac du Der Chantecoq (Champagne) est passé de 40 oiseaux en 1976 à 30'000 en 1998/99. La population migrant par la route d'Europe occidentale a doublé entre le début des années 80 et la fin des années 90. Trop rarement, des coups de trompette se font écho dans la grisaille de l’arrière automne, annonçant les immenses silhouettes des Grues cendrées en route vers le sud, venues des marécages boisés du nord de l’Europe. C’est à l’onomatopée de ses cris que l’espèce doit son nom dans plusieurs langues. Connue pour ses danses nuptiales spectaculaires et ses formations migratoires géométriques en V, la Grue cendrée est de tous les oiseaux européens celui qui possède la plus haute stature. En vol, le cou est toujours tendu, contrairement aux hérons qui replient le cou en S. Posée, la ligne du dos est horizontale, les longues rémiges tertiaires bouffantes donnant l’effet d’une « queue de coq ». Le jeune ne possède pas le haut du cou noir ni la calotte rouge de l’adulte. La Grue cendrée niche dans les marécages boisés du nord de l’Eurasie, de la Scandinavie à la Sibérie orientale. Des populations isolées nichent dans les steppes en Turquie, en Transcaucasie et en Asie centrale. Avec env. 12'000 couples, la Suède héberge la moitié de la population européenne. Les quartiers d’hiver principaux se situent dans le sud du Portugal et de l’Espagne, au Maghreb, dans la vallée du Nil, en Ethiopie, en Turquie, dans le golfe Persique, dans le nord de l’Inde et dans le sud de la Chine. Depuis le milieu des années septante, une tradition d’hivernage s’est développée en France. L’espèce migre sur des fronts étroits, la population scandinave traversant l’ouest de l’Allemagne, le Luxembourg, puis coupant la France en diagonale pour atteindre l’Espagne (principalement l’Extrémadure et l’ouest de l’Andalousie), le Portugal (Alentejo) et le Maroc ; les populations orientales, des Pays-Baltes à la Russie centrale, empruntent d’une part le pont Italie-Sicile pour atteindre la Tunisie, l’Algérie et la Libye, d’autre part la Hongrie et les côtes de la mer Noire pour atteindre l’Afrique orientale ou le golfe Persique. En Suisse, l’espèce est régulièrement observée sur le Plateau et dans le Jura, plus rarement au Tessin. Elle évite généralement de traverser les Alpes, qu’elle survole toutefois occasionnellement. Les sites d’escale les plus réguliers en Suisse romande sont le Seeland BE, la plaine de l’Orbe VD, la plaine de la Broye VD/FR. De nuit, des migrateurs peuvent être entendus au-dessus des grandes villes comme Bâle, Genève ou Zurich. Le défilé du Fort-de-l’Ecluse F est le plus important site d’observation de la migration automnale {Charvoz, Matérac, et al. 1996 524 /id}. Les premiers migrateurs d’automne sont occasionnellement observés en septembre, le passage culminant entre mi-octobre et mi-novembre. Entre mi-décembre et début janvier, des groupes fuyant le froid sont régulièrement observés, comme 140-160 ind. le 3 janvier 1985 entre Rheineck SG et Orpund BE. Les tentatives d’hivernage sont rares, seuls 4 cas de séjour hivernal de plus d’un mois ayant été constatés de 1950 à 1996. La migration de printemps débute à fin février, culmine dans les deuxième et troisième décades de mars et se termine à fin avril, laissant quelques attardés jusqu’à mi-mai. Des oiseaux isolés ou de petits groupes comptant 2-3 individus ont exceptionnellement été observés en juin et juillet. La Grue cendrée niche dans les marécages boisés et hiverne dans les plaines agricoles. En migration à travers la Suisse, elle fait escale dans les champs inondés ou labourés, au bord des étangs et sur les rives des lacs. Diurne, l’espèce est principalement végétarienne, surtout pendant la période hivernale, se nourrissant de tubercules, racines, graines, fruits et complétant son régime alimentaire par des invertébrés, poissons, amphibiens et micromammifères. Elle picore sa nourriture à la surface ou en enfouissant le bec dans le sol meuble. Grégaire hors de la saison de reproduction, la Grue cendrée migre souvent en familles ou en troupes plus importantes pouvant compter jusqu’à 100 individus, voire plus. Les vols en formation sont très caractéristiques, généralement à 100-500 m au-dessus du sol. Les grands groupes ne font que rarement escale ; le cas échéant, ils ne séjournent guère plus de quelques jours. Très farouche lorsqu’elle est posée, la Grue cendrée ne tolère généralement pas l’approche de l’homme à moins de 300 m. En vol, les migrateurs émettent sans cesse des « crrrou-crrro » nasillards, audibles à grande distance. L’aire de nidification de la Grue cendrée s’est rétrécie en Europe dans les temps historiques, suites aux drainages et la destruction de ses habitats : elle a disparu de Grande-Bretagne vers 1600, de France en 1830, d’Italie vers 1880, d’Autriche vers 1885, de Hongrie en 1952, d’Espagne en 1954 et de Grèce en 1965. Grâce à la création de réserves sur les sites de nidification et d’escale en Scandinavie et en Allemagne ainsi que dans les quartiers d’hiver en France et en Espagne, la population d’Europe occidentale est en augmentation depuis 1960. En Suède, des champs de pommes de terre sont cultivés à l’intention des grues. Les populations orientales sont encore persécutées en raison des dommages qu’elles occasionnent aux récoltes. |
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