Jusqu'en 2006, il existe 394 reprises de Rousserolles effarvates en Suisse, dont 9% bagués comme poussins. L'espèce est très fidèle à son site de nidification et parfois aussi à celui de sa naissance, comme en témoignent les contrôles sur place 1 an après le baguage (4), après 2 ans (3), après 3 ans (1) et après 5 ans (1). Un exemple de dispersion à relativement grande distance est celui d'un j. bagué le 4.8.1989 à La Corbière FR et contrôlé le 29.7.1990 à Vrhnika au S de Ljubljana (Slovénie), 578 km à l'E. Les migrateurs traversant la Suisse empruntent préférentiellement la voie occidentale par le S de la France (18 entre le 18.8 et le 25.12 ainsi que 8 du 13.5 au 26.7), la côte méditerranéenne espagnole (17 du 6.8 au 6.10 et 3 de janv. à avril), le Maroc (2 les 28.9 et 20.10, 3 entre le 10.4 et 30.5 et une reprise non datée) et la Mauritanie (2 les 13 et 24.9), moins souvent l'Italie (4 du 27.7 au 18.10 et 4 du 3.5 au 20.5) et l'Algérie (1 le 4.11) pour atteindre leurs quartiers d'hiver subsahariens, où il existe 2 reprises: ad. bagué le 28.8.1940 à Sempach LU, retrouvé le 2.2.1941 à Palimé (Togo), 4'530 km au S29; ad. bagué le 15.5.1967 à Chavornay VD, capturé le 11.2.1969 à Agnibilékrou (Côte-d'Ivoire), 4'492 km au S. Non illustrée est la reprise d'un oiseau bagué le 26.9.1965 à Radolfzell D, retrouvé probablement dans ses quartiers d'hiver le 15.4.1966 à Sunyani (Ghana). L'origine des oiseaux traversant la Suisse est attestée par les reprises d'Allemagne (101 entre le 21.6 et le 4.10 dont 80 de la presqu'île de Mettnau), de République Tchèque (27 entre le 18.5 et le 15.9), de Pologne (13 entre le 3.7 et le 4.10), de Kaliningrad (2 les 3.6 et 24.7), de Lituanie (1 le 29.5), de Lettonie (1 le 23.8), d'Estonie (5 entre le 31.7 et le 22.8), de Finlande (2 les 31.5 et 14.7), de Suède (10 entre le 13.7 et le 29.9), de Belgique (2 les 28.7 et 15.8) et des Pays-Bas (1 le 13.8). Le déplacement le plus rapide est celui d'un j. bagué le 4.10.2000 à la presqu'île de Mettnau, contrôlé le lendemain au col de Bretolet VS, 242 km au SW; 5 autres reprises témoignent de déplacements de 95-125 km/jour sur des distances de 380-1'380 km depuis la Suède, la Pologne, la République Tchèque et l'Allemagne ainsi que de la Suisse à l'Espagne. Les reprises sont dues à 80% aux contrôles par des ornithologues et à 4% à des Chats Felis catus. La sous-espèce nominale de la Rousserolle effarvatte niche dans les zones tempérée, boréale, méditerranéenne et steppique d'Europe à l'ouest d'une ligne reliant la Finlande à la Crimée (Ukraine), à l'est jusqu'au fleuve Kuban (Russie) ainsi que, plus sporadiquement, en Afrique du Nord; elle est remplacée par A. s. fuscus du Caucase et de la mer Caspienne au Kazakhstan ainsi qu'en Iran et au Levant. L'espèce niche dans la moitié sud des îles Britanniques, atteignant sa limite nord sur le pourtour de la Baltique en Fennoscandie. Avec 1.5-2.5 millions de couples, la Roumanie (delta du Danube notamment) héberge 60 % de la population européenne. Les quartiers d'hiver se situent en Afrique subsaharienne, au sud jusqu'en Zambie et au Mozambique. En Suisse, l'Effarvatte niche dans les zones humides du Plateau, sporadiquement dans le Jura et au fond des grandes vallées alpines du Rhône en aval de Viège VS, du Churer Rheintal GR et du Domleschg GR ainsi qu'au Tessin au nord jusqu'à Loderio, généralement au-dessous de 700 m d'altitude. Depuis les années 90, l'espèce niche régulièrement à 1'005 m au lac de Joux VD et depuis 1995 au Lenkerseeli BE 1'070 m, site de nidification le plus élevé. La Rousserolle effarvatte peut se rencontrer dans tout le pays en migration et elle est régulièrement capturée dans les stations de baguage alpines. La migration postnuptiale débute dans les premiers jours d'août, culmine entre la seconde moitié de ce mois et la première de septembre, puis se termine mi-octobre. La date moyenne du passage se situe le 26 août au col de Jaman VD (n=75; 1991-2005)16 et le 9 septembre au col de Bretolet VS (n=577; 1958-99), où aucun changement n'a été constaté entre 1958-69 et 1988-99. Des attardés sont parfois observés jusqu'en novembre, au plus tard des isolés capturés le 4 décembre 2000 à Chavornay VD (L. Maumary) et le 11 décembre 1960 à Sempach LU (W. Fuchs). La première donnée hivernale d'une rousserolle en Europe centrale concernait vraisemblablement une Effarvatte, le 10 janvier 1998 au Fanel BE/NE (P. Korner, S. Meyer, P. Ramseyer, B. Thürig, K. Stingelin). Au printemps, les avant-coureurs arrivent irrégulièrement début avril, rarement dans la dernière décade de mars déjà, au plus tôt un chanteur les 9/10 mars 1997 à Laconnex GE (B. Lugrin). Le gros du passage se déroule de fin avril à mi-mai, avec des retardataires jusqu'à mi-juin. La date moyenne de première arrivée de la Rousserolle effarvatte dans le canton de Vaud se situe le 13 avril (n=41) et dans la plaine de l'Aar BE/SO le 22 avril (n=10). Au lac de Constance, la date moyenne de première arrivée s'est avancée d'environ une semaine (du 26 au 19 avril) entre 1961-80 et 1982-97. En Europe, la Rousserolle effarvatte a étendu son aire de nidification vers le nord depuis la fin du XIXe siècle, peut-être en raison de l'eutrophisation des eaux et de l'élévation des températures printanières. Dès le milieu du XXe siècle, des reculs régionaux ont été enregistrés en de nombreux endroits, conséquence de la destruction massive des marais et de l'atterrissement des roselières. En Suisse, une progression quantitative de l'espèce se manifeste depuis les années 80. Il faut cependant garder en mémoire que la population était beaucoup plus forte avant les drainages des marais des XIXe et XXe siècles. Entre l'atlas de 1972-76 et celui de 1993-96, 42 carrés d'atlas supplémentaires ont été occupés, notamment dans le Jura et les Alpes, ce qui représente une augmentation de l'aire globale de 24%. La plus grande population helvétique d'un seul tenant se situe sur la rive sud du lac de Neuchâtel; forte de 2'000-2'500 couples en 1976, elle doit avoir peu changé aujourd'hui. Au bord du lac de Constance, l'effectif nicheur a augmenté de 9% entre 1980-81 et 2000-02, alors que l'aire occupée s'est étendue de 13%. L'effectif peut varier jusqu'à 70% autour de la moyenne d'une année à l'autre. La Rousserolle effarvatte habite les roselières denses, si possible inondées et peu exposées au vent et aux vagues. Elle niche par endroits dans d'autres formations végétales palustres ou dans des buissons, des mégaphorbiaies ou des zones en partie pâturées, comme c'est le cas entre autres à l'extérieur des phragmitaies du lac de Neuchâtel. Essentiellement diurne et solitaire, la Rousserolle effarvatte se nourrit principalement d'insectes (diptères, éphémères, pucerons, hyménoptères, coléoptères, papillons et libellules), d'araignées et de petits gastéropodes prélevés dans la végétation herbacée, les buissons ou les arbres, souvent à proximité de l'eau. Elle escalade parfois en spirale les cannes pour chanter. La migration s'effectue exclusivement pendant la nuit, les oiseaux faisant escale de préférence dans des roselières, mais parfois aussi dans des buissons, mégaphorbiaies, friches, arbres, haies, cimetières et jardins loin de l'eau ; le brouillard épais peut désorienter les oiseaux qui sont alors attirés par les sources lumineuses. Relativement peu farouche, la Rousserolle effarvatte s'observe généralement isolément ou par petits groupes lâches de 2-3 individus, mais des concentrations locales pouvant compter jusqu'à 30 oiseaux se produisent parfois au moment culminant du passage, notamment après une averse en fin de nuit ; les blocages météorologiques provoquent parfois l'escale prolongée des migrateurs, comme pendant l'automne 1974. Les cris les plus fréquents sont un «trrrt» roulé ou «tsek» dur. Très caractéristique, le chant du mâle est une succession calmement scandée de «trit-trittret-tret-trit-trit-tret-tret » gutturaux, intercalés de courtes et médiocres imitations et de motifs sifflés. La femelle est capable d'émettre des ébauches de chant lorsqu'un prédateur s'approche du nid ou pour un autre motif d'excitation. Le nid est fait d'épis secs de roseaux communs Phragmites australis de l'année précédente. En forme de coupe profonde, il est suspendu à 30-150 cm au-dessus du sol ou de l'eau stagnante entre 2-8 tiges de roseaux, rarement plus; les cannes sèches sont utilisées surtout pour les premières nidifications, parfois à l'exclusion des cannes vertes, qui sont préférées ensuite. Les plus petites parcelles de roseaux de quelques mètres carrés peuvent déjà servir de site de reproduction. La nidification dans les rameaux des buissons et des arbres (saules Salix sp., aulnes Alnus sp., troènes vulgaires Ligustrum vulgare, lilas Syringa vulgaris), jusqu'à 2.5 m de hauteur, est assez rare ; des nids ont été trouvés entre les tiges d'eupatoire chanvrine Eupatorium cannabinum et d'autres plantes surtout aquatiques (prêles Equisetum sp., renoncules Ranunculus sp., orties Urtica sp., ronces Rubus sp., massettes Typha sp., laiches Carex sp.), exceptionnellement dans un champ de colza Brassica napus, dans des filets suspendus, dans un rouleau de ficelle, voire à l'intérieur d'une cabane de pêcheur. La construction du nid débute généralement peu après l'arrivée de la femelle, en mai, quand la croissance de l'étage inférieur des roseaux est achevée, et dure 4-7 jours. Les 3-5 (2-7) oeufs sont pondus entre fin mai et mi-juin, une minorité de femelle entreprenant une seconde ponte entre fin juin et août. Entre l'envol de la première nichée et le début de la seconde s'écoulent 8 (4-14) jours12. On constate une légère avance dans le bassin du Léman sur le reste du pays, la ponte étant influencée par les différences locales dans le développement des roseaux. La ponte la plus précoce a été découverte le 8 mai 1961 à Yverdon VD (G. Berthoud). La nichée la plus tardive est celle qui venait de quitter le nid le 22 septembre 1909 à Sempach LU. A la retenue de Niederried BE, des jeunes capables de voler étaient encore nourris le 23 septembre 1962. L'incubation par la femelle débute généralement avant la ponte du dernier oeuf et dure 11-13 jours. Les jeunes quittent le nid à l'âge de 9-13 jours; ils sont encore nourris jusqu'à 10-14 jours après leur envol. Les pontes de remplacement sont fréquentes car les nichées sont souvent détruites par le froid, les vents, les crues, les prédateurs (Blongios nain, Râle d'eau, Poule d'eau, etc.) ou le Coucou gris, pour lequel l'Effarvatte est un hôte régulier en plaine. La densité des nicheurs est généralement inférieure à 4 couples/ha, mais elle atteint localement 9-14 couples/ha et tend à former des colonies dans les milieux de faible étendue: par exemple 10 couples/ha à St-Léonard VS, 12 nids sur 1 ha à Yvonand VD, 9-17 chanteurs entre 1973 et 1976 au barrage de Wynau BE dans une bordure de 1'600 m large d'environ 4 m, soit sur 0.7 ha (E. Grütter). Au Wauwilermoos LU, 5 couples ont été recensés sur une distance de 140 m. A Bellach SO, jusqu'à 3.7 territoires/100 m de rive ont été recensés ; sur les 14.4 km2 du lac de Sempach LU, 203-242 chanteurs ont été comptés en 1989 ce qui, rapporté à l'ourlet de roseaux, correspond à 2.1 territoires/100 m, et 30 territoires/ha par rapport à la superficie des roselières ; sur certains secteurs de la rive sud du lac de Neuchâtel, on a dénombré 80-90 chanteurs/10 ha (M. Antoniazza). L'espèce ne paraît actuellement pas menacée. Elle peut être favorisée par les mesures de débroussaillage et de remise en eau des marais, comme sur la rive sud du lac de Neuchâtel et au Mauensee LU. Lors de la fauche des roselières, il convient d'épargner suffisamment de vieux massifs car les parcelles ne sont colonisées en hautes densités qu'à partir de 2-3 ans après la fauche. |
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