Photo: Cochevis huppé mâle chanteur, Colomier VD; 1er mars 2019. L. Maumary. Le Cochevis huppé est largement répandu de la zone climatique tempérée aux savanes de l'Ancien-Monde. La sous-espèce nominale niche en Europe au sud jusqu'aux Pyrénées, au nord de l'Italie et des Balkans et au nord jusqu'aux pays Baltes, remplacée par G. c. pallida dans la péninsule Ibérique, G. c. neumanni en Toscane I et au Latium I, G. c. apuliae dans le sud de l'Italie continentale et en Sicile, G. c. meridionalis du sud des Balkans au Moyen-Orient, G. c. cypriaca à Rhodes et Chypre, G. c. tenuirostris de l'est de la Hongrie à l'Oural, G. c. caucasica de la Transcaucasie au nord de la Turquie; une quarantaine d'autres sous-espèces se succèdent dans le centre et le sud de l'Asie et la moitié nord de l'Afrique. Avec 400'000-1'000'000 couples, l'Espagne héberge plus d'un tiers de la population européenne. L'espèce est généralement sédentaire en Europe, plus migratrice dans le nord et l'est de son aire de répartition: 2 oiseaux bagués comme poussins dans le sud de la Suède ont été repris respectivement en octobre à Bruxelles (Belgique) et en janvier dans le Lot-et-Garonne F, ce dernier à 1'500 km au sud-ouest. En Suisse, le Cochevis huppé nichait jusque dans les années 1920 dans de nombreux villages et villes du Plateau au-dessous de 700 m. En hiver, il apparaissait en outre dans des villes où il ne nichait apparemment pas, comme à Lausanne VD, dans les régions de Neuchâtel, du Grand Marais BE/FR et du Mont-Vully FR ou dans la banlieue genevoise. Aujourd'hui disparu comme nicheur, il n'est plus qu'un migrateur et hivernant irrégulier; des 53 observations de 1950 à 2003 (sans les données de Bâle), proviennent de Suisse romande, 17 de Suisse alémanique et 7 des Grisons (dont 2 d'Engadine et 1 du val Müstair). Les rares observations hors de Bâle depuis 1950 ont été effectuées en octobre-novembre (une fois en septembre) et de fin décembre à début mars, surtout dans la dernière décade de février. Le passage de printemps se prolonge jusqu'à fin mars, avec quelques retardataires en avril et une donnée en mai. L'espèce s'est étendue dans le centre et l'ouest de l'Europe dès le milieu du XIXe siècle, profitant de la construction de routes et de chemins de fer ainsi que de l'aménagement de zones industrielles, en partie aussi grâce à de meilleures conditions climatiques. Cette colonisation a connu son apogée au début du XXe siècle, puis l'espèce a commencé à décliner fortement et disparaître dès 1930 de nombreuses régions situées dans le nord de son aire. En Suisse, la première nidification a été notée en 1859 ou peu après à Bâle, puis pendant les décennies suivantes jusque vers 1910, le Cochevis huppé s'est installé à Liestal BL, Birsfelden BL, Berne, Thoune BE, Langnau BE, Burgdorf BE, Soleure, Olten SO, Aarau AG et Brugg AG ainsi que dans d'autres villages de cette région. Des nidifications ont également eu lieu dans la ville de Zurich et ses faubourgs le long de la Limmat, ainsi qu'autour de Winterthur ZH, Bülach ZH et Schaffhouse. Le Cochevis huppé nichait vraisemblablement aussi à Genève (1924-25) et à Yverdon (1938-45). Bien que l'espèce nichait au sud de Varese I, on ne connaît aucune reproduction du Tessin et les migrateurs y étaient rares. La colonisation a connu chez nous son apogée entre 1890 et 1930. La région de Bâle fut un pont important lors de la colonisation et du retrait de l'espèce, permettant la connexion avec les plaines du Haut-Rhin D/F. La plupart des sites de reproduction helvétiques ont été abandonnés peu après 1920, les bastions les plus longuement occupés se trouvant à Thoune BE probablement jusqu'en 1925, Schaffhouse jusqu'en 1925, Aarberg BE jusqu'en 1934, Soleure ainsi qu'à Zurich et environs jusqu'en 1937 et à Berne probablement jusqu'en 1940. Une nidification isolée a eu lieu en 1954 à Coire GR. Les dernières tentatives de reproduction ont eu lieu en 1973 à Birsfelden BL et en 1976 à Bâle dans le quartier de Gellert et à la gare des marchandises de Wolf ; dans cette dernière région, l'effectif nicheur helvétique est passé de 7 couples en 1969 à 2 en 1974 et 1976. Un couple a encore été observé jusqu'en 1991 à St-Louis F, à environ 150 m de la frontière en Alsace limitrophe, où la dernière reproduction certaine a eu lieu en 1990 ; un chanteur y a encore été entendu le 26 juillet 2002. Dans la ville de Bâle, un couple a été observé jusqu'en 1983 dans le quartier de Gellert, où le dernier oiseau solitaire a survécu jusqu'au 3 août 1989. Par la suite, l'espèce n'a plus été observée qu'à 7 reprises en Suisse: 1 ind. le 3 décembre 1989 à Meyrin GE, 2 ind. le 8 février 1991 au Grand-Lancy GE, 1 ind. les 11-12 octobre 1993 à Belpmoos BE, un hivernant du 3 décembre 1998 au 11 mars 1999 à Payerne VD, 1 individu le 31 octobre 1999 à Lupfig AG, puis en 2010 deux oiseaux dans les Grisons, le premier un mâle chanteur du 11 avril au 17 mai dans une localité tenue secrète et le second du 26 au 30 décembre à Bonaduz. Au bord du lac de Constance, la dernière reproduction a été suspectée en 1924 à Bregenz A, après quoi l'espèce a encore été observée une dizaine de fois en 1959-69, 5 fois en 1970-80 et 3 fois en 1981-95. Les bastions alsaciens les plus méridionaux se trouvent aujourd'hui à Mulhouse F, le noyau principal se trouvant entre cette localité et Colmar F. La population alsacienne a été estimée à 100-150 couples en 1996. Au plus 10 couples vivent encore dans la vallée supérieure du Rhin en Bade du Sud D. A l'origine une espèce semi-désertique et steppique, le Cochevis huppé colonise tous les terrains plats, caillouteux, sablonneux ou glaiseux et pauvres en végétation, chauds et secs. En Europe centrale, il est en partie lié aux zones industrielles et aux abords des agglomérations. Typiquement, on le trouve à proximité des infrastructures humaines, comme sur les voies ferrées, les bords des routes, dans les friches industrielles, autour des dépôts, gares, ports, décharges ou dans les cours d'écoles, sur les toits plats ou les parkings, aux abords des terrains de jeux, de sports ou d'exercices militaires ainsi que des aérodromes. Il court rapidement sur de longues distances sans à-coups, de manière caractéristique. Diurne, le Cochevis huppé se nourrit principalement d'insectes (coléoptères notamment) et de lombrics en été, surtout de graines en hiver. Les graines non digérées d'avoine et d'orge picorées dans le crottin de cheval constituaient autrefois la nourriture hivernale la plus importante. Le Cochevis huppé est observé chez nous isolément ou par couple, jadis parfois en petits groupes comptant plus de 6 oiseaux. La dernière donnée d'une troupe de Cochevis huppés date du 30 novembre 1988 à Lullier GE (5 individus). Le cri à l'envol est un «ui-hu» sifflé, semblable à celui de l'Alouette lulu. L'espèce nichait généralement isolément, le plus souvent sur le balasteentre les voies ferrées, sur des toits graveleux, des zones rudérales et parfois aussi en bordure de cultures ou dans des parcs jardinés. Le nid était composé de tiges sèches lâchement entrelacées, parfois aussi de papiers ou de restes d'étoffe. Les couvées trouvées en Suisse comptaient 3-5 oeufs et se situaient entre avril et juillet. La ponte la plus précoce date du 3 avril à Bâle, où les oeufs pouvaient parfois encore être pondus jusque dans la 3e décade de juillet. Les oeufs sont couvés pendant 12-13 jours et l'élevage au nid dure 9-12 jours. Il y avait probablement 2 pontes annuelles comme ailleurs en Europe centrale. Lorsqu'une couvée est détruite, une ponte de remplacement est produite. Le succès de reproduction semble avoir été faible dans la 2e moitié du XXe siècle, avec par exemple jusqu'à 4 couvées successives sans succès en 1973 à Birsfelden BL. L'espèce est en déclin rapide dans toute l'Europe occidentale, surtout dans le nord, où sa distribution est en train de se morceler petit à petit. Les causes sont l'intensification et la mécanisation de l'agriculture, l'abandon de l'utilisation du cheval et des pâturages sur terrains secs, le goudronnage des chemins agricoles et l'entretien intensif des abords des routes et des voies ferrées, avec un apport massif de pesticides et d'engrais. Ayant initialement bénéficié de l'ouverture des chantiers urbains, l'espèce en a été progressivement chassée par le bétonnage définitif et la densification des constructions. |
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