Arrivée du télésiège de la Tsarva au-dessus de Grimentz VS, où une mangeoire a été aménagée pour les Niverolles. Ph. Bottin. Niverolle alpine portant la bague COO, baguée dans le canton d'Uri et photographiée ici au-dessus de Grimentz VS. Ph. Bottin. La Niverolle niche dans les montagnes du sud de l'Europe, d'Asie mineure et d'Asie centrale: la sous-espèce nominale se trouve dans les monts Cantabriques, les Pyrénées, les Alpes, les Apennins et les Balkans, en Corse, remplacée par M. n. leucura en Turquie, M. n. alpicola du Caucase à l'Hindou-Kouch, M. n. gaddi dans les monts Zagros (sud-ouest de l'Iran) et M. n. tianshanica dans le Tian shan (Asie centrale). Trois autres sous-espèces se trouvent de l'est du Tian shan, de l'Altaï au Tibet et aux montagnes du centre de la Chine. Avec 5'000-10'000 et 4'000-8'000 couples respectivement, l'Espagne et la Suisse se partagent 60% de la population européenne. L'espèce est généralement sédentaire en Europe, mais une petite partie de la population alpine hiverne dans le massif central F et en Provence F, de novembre à mars. En Suisse, la Niverolle alpine est répandue dans tout l'arc alpin entre 1'800 et 3'000 m d'altitude, les nidifications les plus élevées ayant été découvertes à 3'470 m au Jungfraujoch BE et au-dessus de Zermatt VS à 3'480 m à la Testa Grigia VS/I et à 3'490 m au Furgggrat VS/I. Des nidifications basses vers 1'750 m ont été trouvées par exemple au Muotatal SZ (T. Galliker), au Trüebsee NW (U. Glutz), à Samedan GR (W. Bürkli, M. Juon) et Oberwald VS (J.-C. Tièche). Les nids les plus bas ont été trouvés entre 1'440 et 1'540 m dans l'Urserental UR sur des bâtiments au fond de la vallée entre Andermatt et Realp, mais ont été abandonnés après 1960. Un chanteur était exceptionnellement cantonné les 15 juin et 4 juillet 2002 au Gros Mont FR à 1'370 m (J. Gremaud). La Niverolle alpine est irrégulière en hiver au fond des vallées alpines, en bordure des Préalpes ainsi que dans le Jura et sur le Plateau. Après l'envol des jeunes dès le mois de juillet, les familles s'agrègent en bandes qui vagabondent jusqu'en mars suivant, apparaissant occasionnellement à plus de 4'000 m d'altitude. Ce n'est qu'avec les premières chutes de neige qu'elles redescendent à l'étage alpin inférieur. Contrairement à l'Accenteur alpin, l'espèce n'apparaît que très rarement (lors de tempêtes ou d'importantes chutes de neige accompagnées de grand froid) aux étages subalpin et montagnard supérieur. La Niverolle apparaît régulièrement en hiver aux mangeoires des villages et sur les terrasses des restaurants de montagne; d'importants rassemblements peuvent se former aux alentours des stations de sports d'hiver très fréquentées, par exemple 600-800 hivernants sur 19 km2 à la Petite Scheidegg BE, qui se répartissaient sur au moins 650 km2 pendant la période de reproduction10, 13. était présente seulement pendant 8 des 11 années entre 1993 et 2003 (4 fois 2, 1 fois 3, 2 fois 4 et 1 fois 5 territoires); dans une zone d'étude de la Petite Scheidegg BE, 24 couples ont niché en 1983, mais seulement 5 en 1986 et 3 en 1987. La même tendance a été constatée pour une grande partie des Alpes suisses (U. Glutz von Blotzheim, H. Redel, E. Benz). Vers 1990, les sites de nidification traditionnels valaisans et uranais étaient à nouveau occupés normalement. Dans les années 60 et 70, des vols d'une centaine de Niverolles alpines étaient régulièrement observés en hiver près du lac Mayen VD 1'840 m, alors qu'à partir des années 80, les groupes hantant les hauteurs de Leysin VD sont plus modestes, variant de 20 à 50 oiseaux (J.-C. Tièche). La taille des groupes hivernaux fluctue d'une année à l'autre et au cours de l'hiver en fonction des conditions météorologiques. La Niverolle vit au-dessus de la limite supérieure des forêts dans les gazons alpins étendus, les lapiaz, les éboulis et les falaises, généralement plus haut que la ceinture d'arbrisseaux nains, à proximité de falaises présentant des fissures et des cavités ou, comme substitution, dans des bâtiments tels que des écuries, des gares de trains de montagne ou des téléphériques. Les massifs calcaires sont plus abondamment occupés que les cristallins, peut-être en raison d'une diversité floristique et une offre en cavités et fissures plus importante des premiers. Diurne et grégaire (surtout hors de la période de reproduction), la Niverolle se nourrit au printemps et en été surtout d'insectes (diptères, papillons, coléoptères, hémiptères, hyménoptères), d'araignées, d'annélides et d'autres invertébrés; en automne et en hiver, les graines de plantes alpines constituent l'essentiel du régime alimentaire, les mangeoires, terrasses de restaurants d'altitude, places de pique-nique et dépôts d'ordures étant aussi fréquentés. La Niverolle se nourrit au sol, le plus souvent en bordure des névés en train de fondre, sur des pelouses et pierriers; les insectes et autres arthropodes, souvent soufflés par le vent, sont récoltés sur la neige. En automne, elle se pose sur les capitules à maturité de chardons et d'autres grandes plantes pour en extraire les graines. Les Niverolles sont très sociables durant la journée, mais passent la nuit en solitaires (dès février/mars aussi en couples): dans la région de la Jungfrau à la Petite Scheidegg BE, elles fourragent entre 1'900 et 2'300 m d'altitude pendant la journée. Au cours de l'après-midi elles se rassemblent en troupes comptant jusqu'à 30 individus puis s'élèvent le soir selon des trajets bien déterminés jusque vers 2'500 à 3'000 m dans les falaises à pic du Rotstock et dans la paroi nord de l'Eiger; c'est là qu'elles s'isolent individuellement à 10-500 m l'une de l'autre dans d'étroites crevasses de rochers pour dormir, défendant fermement l'accès à des congénères. La température moyenne de ces cavités est de 4° C plus élevée que celles situées plus bas autour des sites de gagnage diurnes, et ne descend jamais au-dessous de -10° C. En hiver, le rayon d'action des Niverolles dépend fortement des conditions météorologiques. En cas de mauvais temps, elles apparaissent dès avant l'aube aux mangeoires des villages de montagne et hospices, où elles se montrent souvent plus farouches que les Accenteurs alpins et les Chocards à bec jaune. Hors de la période de reproduction, elles se tiennent en groupes comptant jusqu'à 30 oiseaux (87% des données, 1985-2003), occasionnellement jusqu'à 100 (11%) et très rarement plus de 150 individus, au maximum environ 350 le 4 octobre 2002 au col de Rawil VS/BE au-dessus d'Ayent VS 2'380 m (M. Baudraz). Les cris les plus fréquents de la Niverolle sont un « tviik » interrogatif, nasal et pénétrant, un «tsèèh» geignard à l'envol, un « ti-ti-zui » bref ou des crécelles « prr'r'r'r'r» d'alarme. Le chant du mâle est un doux babil émis en sourdine depuis un perchoir ou à l'occasion d'un vol nuptial planant. La Niverolle alpine se reproduit isolément ou en petites colonies de 3-12 couples espacés de 10-50 m, laissant de vastes espaces inoccupés entre ces agrégats, dans les failles rocheuses ou entre des blocs, aussi dans les anfractuosités de bâtiments (hospices, cabanes d'alpinistes, granges, baraquements militaires, etc.) et autres constructions telles que murs, paravalanches, pylônes et gares de téléphériques ou même en nichoir. Le nid d'herbes sèches, de radicelles, de feuilles sèches et garni de crins et de nombreuses plumes, en forme de coupe, est généralement situé dans une cavité à 40-80 cm de l'entrée et à au moins 35 cm au-dessus du sol jusqu'à très haut dans la falaise. La construction par la femelle débute généralement dans la première moitié de mai et dure 5-8 (2-13) jours, l'apport de matériel se prolongeant jusqu'à l'éclosion des jeunes. Les 4-5 (3-6) oeufs sont pondus à un jour d'intervalle, généralement entre la seconde moitié de mai et la première décade de juin. L'incubation, par la femelle, débute dans la nuit suivant la ponte du dernier oeuf et se poursuit sans interruption; la durée d'incubation est de 13-14 (12-15) jours. Les jeunes quittent le nid à l'âge de 20-21 (19-23) jours et deviennent indépendants environ 3 semaines plus tard. Ils quittent généralement le nid dès mi-juin, surtout dans la dernière décade de juin et la première décade de juillet, les derniers dans la première décade d'août. La nichée la plus précoce est celle de 4 jeunes le 24 mai 1953 dans un nid sous le toit de la gare du train du glacier de l'Eiger BE 2'320 m (H. Mühlemann); des jeunes se sont envolés le 9 juin 1924 à la Petite Scheidegg BE. Au Pilate NW/OW, une femelle construisait encore le 3 juillet 1976 et un jeune s'est envolé le 13 août . Des jeunes quémandaient encore au nid le 15 août 1991 au-dessus du glacier de Finsteraar BE 2'640 m (J.-C. Tièche). Il n'y a qu'une ponte annuelle, pouvant être remplacée en cas de destruction précoce. Des secondes couvées ont été exceptionnellement constatées, à la Petite Scheidegg BE seulement une en 5 ans. Fait inconnu chez d'autres espèces, les embryons de Niverolle se développent normalement déjà vers 30.8° C, tandis que la température d'incubation est de 35° C chez les autres passereaux. La Suisse abrite 25% de la population européenne et a donc une grande responsabilité pour la conservation de l'espèce. On ne sait pas encore dans quelle mesure le développement touristique en haute montagne et le réchauffement climatique affectent la Niverolle. En de nombreux endroits, elle profite des nourrissages hivernaux et niche fréquemment dans des bâtiments et des installations de remontées mécaniques. |
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