Les Jaseurs boréaux sont à nos portes ! Depuis début décembre, les observations se multiplient en Suisse allemande où les groupes deviennent de plus en plus importants. Revivra-t-on les émotions de l’hiver 2004/05, lorsque ces bandits nordiques ont déferlé par milliers dans notre pays ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais les premières observations ont été effectuées dans le nord vaudois, ce n’est donc qu’une question de jours avant que les observations se généralisent en Romandie. Le Jaseur boréal a une distribution circumpolaire : la sous-espèce nominale niche dans les forêts boréales de la Scandinavie à la Sibérie occidentale (Ienisseï), remplacée par B. g. centralasiae dans le centre et l’est de la Sibérie et B. g. pallidiceps de l’Alaska à la baie d’Hudson (Canada). La Fennoscandie héberge l’entier de la population européenne, dont presque 90 % en Finlande. Les quartiers d’hiver réguliers sont situés directement au sud et à l’ouest de l’aire de nidification ; en Europe, ils se trouvent à l’est d’une ligne reliant la Belgique aux Balkans. La limite de l’aire d’hivernage régulière de l’espèce passe par le nord et l’est de la Suisse, où seuls de petits groupes sont observés lors d’années sans afflux. Lors d’invasions massives par contre, le Jaseur peut être observé dans tout le pays, y compris dans le Jura, dans les Alpes jusqu’à plus de 2'000 m et au Tessin. Indépendamment de l’importance des invasions, les premiers Jaseurs arrivent rarement en octobre déjà, plutôt en novembre ou décembre. Leur nombre augmente généralement en janvier pour culminer de fin janvier à fin mars, mais l’effectif maximum peut se situer entre décembre et avril selon les années. La migration de printemps débute fin février pour se terminer fin avril, laissant parfois des attardés jusqu’en mai lors des années à invasions. Les invasions les plus remarquables du XXe siècle ont touché la Suisse pendant les hivers 1903/04, 1941/42, 1963/64, 1965/66, 1988/89 et 2004/05; d’autres afflux moins importants ont eu lieu en 1913/14, 1946/47, 1970/71, 1975/76, 1989/90 et 2000/01. L’espèce a fait totalement défaut en 16 hivers entre 1950/51 et 2004/05. D’autres afflux massifs en Europe centrale se sont produits pendant les hivers 1413/14, 1519/20, 1570/71, 1682/83, 1779/80, 1794/93, 1806/07 et 1866/67. Les invasions ont lieu en relation avec une bonne reproduction de l’espèce et une mauvaise fructification des sorbiers Sorbus sp. sur les lieux d’hivernage habituels. Le Jaseur niche dans les forêts nordiques de sapins, couvertes d’un tapis d’éricacées nourricières. En hivernage en Suisse, on le trouve dans les arbres et arbustes portant des baies, aussi bien dans les parcs, cimetières et jardins des villes que dans les vergers ou le long des haies, bosquets ou forêts claires dans la campagne, où il se nourrit principalement de baies de sorbier Sorbus aucuparia en montagne, de viorne obier Viburnum opulus et de gui Viscum album en plaine, dans une moindre mesure d’aubépine Crataegus sp., troène commun Ligustrum vulgare et d’autres arbustes des genres Sorbus, Cotoneaster, Rosa, Sambucus et Prunus, ainsi que de fruits (tombés au sol ou non) dans les vergers, de raisin Vitis vinifera et de boutons floraux. A la fin de l’hiver et au printemps, il cueille parfois les insectes en cerclant lentement en vol plané au-dessus des arbres, à l’instar de l’Etourneau sansonnet. Diurne et très grégaire, le Jaseur se rencontre généralement en groupes comptant jusqu’à 30 individus (81 % des données, 1950-2003) lors d’années sans afflux, mais pouvant compter jusqu’à 50-100, voire plusieurs centaines ou milliers d’oiseaux lors des plus grandes invasions : un regroupement d’environ 3'000 jaseurs a exceptionnellement été observé le 4 février 2005 à Lutry VD (L. Maumary, J. Bruezière). Tantôt les hivernants se déplacent en bandes et ne restent que peu de temps au même endroit, notamment lors d’années à invasions, tantôt ils se tiennent pendant de longues périodes assez haut dans les arbres à gui, où ils signalent leur présence par leurs cris et leurs fientes : les noyaux indigestes des baies de gui qui pendent alors aux branches en chapelets gluants témoignent de la présence de l’espèce. Les oiseaux se répondent sans cesse par des « sirrrrr » roulés, sonnant comme un tintement de clochette, émis au vol ou posés. Ils sont peu craintifs envers l’Homme. |
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