Le 16 mai 2013, Jean-Claude Muriset découvre une Sterne de Dougall à la plage d'Yverdon. Cela faisant 153 ans, à un jour près, que la présence de cette espèce n'avait été attestée en Suisse ! Cette sterne était baguée, ce qui a permis de connaître son origine: elle avait été marquée par Stephen Newton le 21 juillet 2006 comme poussin sur l'îlot de Rockabill (Dublin, Irlande). Elle a donc actuellement 7 ans et n'avait été revue qu'une fois à Rockabill, le 1er juin 2010. La seule donnée homologuée de cette magnifique sterne des îles atlantiques datait du 17 mai 1860 ... La sous-espèce nominale niche sur les îlots de l’Atlantique, en Amérique de la Nouvelle-Ecosse (Canada) aux Caraïbes et au Venezuela, en Europe des Açores à la Bretagne (France) et la Grande-Bretagne ; quatre autres sous-espèces habitent l’océan Indien aux Seychelles et Madagascar, au Sri Lanka, en mer Arabique, dans l’Océan Pacifique de la Chine à la Nouvelle-Guinée et en Australie. La population européenne hiverne principalement en afrique tropicale dans le Golfe de Guinée. Avec environ 1'000 couples, les Açores hébergent les deux tiers de la population européenne ; les autres plus grandes colonies se trouvent au large de l’Irlande sur l’îlot de Rockabill (env. 450 couples) et de Lady’s Island Lake (env. 140 couples), ainsi qu’en Bretagne dans la baie de Morlaix (Finistère) sur l’île aux Dames/Carantec (env. 100 couples). Quelques couples ont niché sur les côtes de la mer en Allemagne et en Belgique, ainsi qu’en Méditerranée au delta de l’Ebre (Espagne) et en Camargue (France). En Suisse, la seule donnée certifiée provient de la rade genevoise, de même que deux autres mentions probables. Dans les pays limitrophes, l’espèce est apparue une fois en Autriche et à 8 reprises en Italie jusqu’en 1991. La dispersion postnuptiale s’effectue dès mi-juillet, la migration se terminant à fin septembre en Europe. L’espèce rejoint ses sites de reproduction français entre mi-avril et mi-mai. L’espèce avait pratiquement été exterminée en Europe à la fin du XIXe, notamment en Irlande et en Grande-Bretagne, avant de se rétablir à env. 3'500 couples dans les années soixante ; la population anglaise était toutefois réduite à 57 couples en 13 colonies en 1991. Dans les bastions principaux de l’espèce aux Açores, la population a chuté de 1'120 à 750 couples au début des années nonante. En France, l’effectif nicheur a chuté une première fois dans les années vingt et trente, avant de remonter à un maximum de 800 couples en 1967 puis de décliner à nouveau significativement (- 80 %) dès 1974, atteignant un minimum de 40 couples en 1977 ; en 1997/98, la population bretonne était de 70-100 couples. La Sterne de Dougall niche sur les atolls et les îlots sablonneux ou rocheux. Diurne et grégaire, se nourrit presque exclusivement de petits poissons, plus rarement d’insectes et d’autres invertébrés marins. Elle plonge depuis plus haut et plus profondément que la Sterne pierregarin (jusqu’à 50 cm sous la surface de l’eau) sans vol sur place, repérant ses proies en effectuant systématiquement des allers-retours au large. L’oiseau tiré à Genève en 1860 était posé sur les piquets du port. Son cri est un « chi-vi » rappelant celui du Chevalier arlequin en plus râpeux, l’alarme caractéristique étant un « aaahrk » prolongé. La Sterne de Dougall est très sensible aux dérangements sur les colonies de reproduction, et seule une protection efficace a permis de renverser la tendance au déclin, notamment sur l’îlot de Rockabill (Irlande). La prédation par le Vison d’Amérique introduit semble aujourd’hui la principale menace pour nicheurs bretons. La persécution directe par la chasse sportive dans les quartiers d’hiver africains est l’une des principales causes de la régression de l’espèce. L’utilisation de pesticides tels que le DDT est peut-être aussi responsable du déclin dans les années septante. 1860 : 17 mai, femelle tirée à Versoix GE, conservée au Muséum d’histoire naturelle de Genève. Un deuxième spécimen non daté provenant du lac Léman est conservé au Muséum d’histoire naturelle de Genève ; il s’agit probablement d’un des oiseaux tirés en mai 1841 et juillet 1848 à Genève. |
A propos de Lionel Maumary |