Photos Raphaël Jordan Le 26 août 2013, Jean-Pierre et Raphaël Jordan repèrent un Goéland d'Audouin juvénile parmi les Goélands leucophées tournant autour de leur bateau de pêche au large de Coudrée (Haute-Savoie F). Ils le retrouveront plus tard sur les enrochements du port d'Excenevex. Il ne s'agit que de la quatrième observation sur le Léman de ce laridé méditerranéen extrêmement rare. Le Goéland d’Audouin ne niche que sur quelques îlots de Méditerranée, aux Baléares et au delta de l’Ebre (Espagne), aux îles Chafarines (Maroc), en Corse (France), en Sardaigne et sur l’archipel toscan (Italie), en mer Egée et à Chypre (Grèce et Turquie), au Liban ainsi que sur la côte du Maghreb. En hiver, il se disperse jusque sur la côte atlantique africaine, au sud jusqu’en Sénégambie. Avec environ 12'000 couples, l’Espagne héberge 90 % de la population européenne. En Suisse, l’espèce est apparue une fois sur le lac de Neuchâtel à Yverdon VD, à quatre reprises sur le Léman, ainsi qu'à l'intérieur des Alpes à l'embouchure de la Reuss UR et même en Valais central. Avec une donnée récente en Allemagne, les observations helvétiques sont les seules en Europe centrale. Les trois juvéniles observés sur le Léman sont remontés depuis la Méditerranée, probablement en suivant un groupe de Goélands leucophées pendant la dispersion postnuptiale et juvénile. En effet, les lectures de bagues ont montré que la majorité des Goélands leucophées observés sur le Léman proviennent de Méditerranée, d’Italie notamment. Les deux adultes observés à Yverdon VD et à Préverenges VD l’ont été en hiver, période à laquelle la dispersion de l’espèce est maximale. Parallèlement à la colonisation de nouveaux îlots en mer Egée, en Espagne et en Italie, la population s’est fortement accrue à la fin du XXe siècle : en 1966, la population mondiale était estimée à 800-1'000 couples, mais en 1993, on en recensait 15'600 en 30 colonies. L’accroissement de la colonie du delta de l’Ebre (Espagne) a été particulièrement spectaculaire, l’installation de 36 couples en 1981 amorçant une progression fulgurante pour atteindre 4'200 couples en 1989 et 10'300 en 1995 ! Presque exclusivement pélagique, le Goéland leucophée vit en Méditerranée tout au long de l’année, pénétrant marginalement dans l’Atlantique hors de la saison de reproduction. Diurne et grégaire, il se nourrit principalement de petits poissons (sardines notamment) et d’invertébrés aquatiques, capturés juste sous la surface de l’eau. Sa technique de pêche la plus caractéristique consiste à cercler à faible hauteur en vol de reconnaissance puis, une fois sa proie repérée, à descendre au ras de l’eau en planant, les pattes pendantes touchant presque la surface, avant de plonger obliquement la tête sous l’eau, le plus souvent sans interrompre son vol. Il sait profiter de la panique des bancs de petits poissons sautant hors de l’eau, fuyant des prédateurs subaquatiques. L’espèce s’est récemment tournée vers l’exploitation des déchets de chalutage, qui constitue actuellement sa ressource principale en Espagne notamment ; sur le Léman également, il suit volontiers les bateaux pour glaner les déchets de poisson. L’espèce fréquente de plus en plus souvent les décharges ainsi que les marais et les rizières. Les micromammifères, passereaux et lézards sont occasionnellement capturés, et les aliments végétaux tels qu’olives et graines constituent localement une part importante du régime alimentaire. Hors de la saison de reproduction, le Goéland d’Audouin est généralement silencieux ou cacarde un peu comme une oie lors d’interactions. Autrefois en danger, l’espèce a connu une véritable explosion démographique, notamment en Espagne, grâce à la protection des colonies de reproduction et par la régulation des colonies de Goéland leucophée, mais surtout suite à la modification comportementale conduisant à l’exploitation systématique des déchets de chalutage. Le Goéland d’Audouin demeure vulnérable en raison de son confinement extrême, 72 % de la population étant concentrée en deux colonies, avec env. 10'000 couples au delta de l’Ebre (Espagne) et 3'500 aux îles Chafarines (Maroc) ; la Turquie compte env. 500 couples, la Grèce 210, l’Italie 350 et la France 100 en Corse. La dépendance croissante envers les chalutiers, ainsi que la concurrence et la prédation exercées par le Goéland leucophée en expansion constituent parmi les principales menaces pesant sur l’espèce. |
A propos de Lionel Maumary |