Grand Labbe juvénile au delta de Hagneck BE, 20 décembre 2021. Lionel Maumary. Le Grand Labbe est endémique du nord-est de l'Atlantique et de la mer du Nord, les principaux territoires de nidification étant l'Islande avec environ 5'500 couples et le nord de l'Ecosse avec environ 8'500 couples. Le Spitzberg, la Norvège, l'île aux Ours, Jan Mayen (Norvège), la péninsule de Kola et la Nouvelle-Zemble (Russie) ont été colonisés dès les années 70. L'espèce hiverne principalement dans l'océan Atlantique, les jeunes atteignant les eaux tropicales alors que les adultes sont plus sédentaires ; un petit nombre pénètre en Méditerranée occidentale en hiver. En Suisse, il existait 44 données de 1900 à 2006, provenant pour la plupart des lacs de Neuchâtel (12), Léman (9) et de Constance (5). Le Grand Labbe a également été observé sur de plus petits lacs (retenue de Klingnau AG, lac de Hallwil AG/LU, lac de Zurich, lac de Pfäffikon ZH, lac de Bienne BE, Lauerzersee SZ, lac de Sempach LU, lac de Thoune et lac des Quatre-Cantons à Flüelen UR et Ennetbürgen NW), ainsi que sur le Rhin à Bâle et Birsfelden BL/BS, au Neeracherried ZH et à Intragna TI. Au lac de Constance, l'essentiel des observations provient du delta du Rhin A. La plupart des apparitions en Suisse ont lieu en septembre (13 données), octobre (7), avec des retardataires en novembre (2) et décembre (4). Sept individus observés entre le 29 décembre 1999 et le 8 janvier 2000 ont été déportés par l'ouragan «Lothar», qui a sévi en Suisse les 26/28 décembre 1999. Au printemps, on connaît une donnée de mars, 4 d'avril et une de juin ; 3 observations de juillet concernent probablement des immatures en erratisme estival. Faits exceptionnels en Europe centrale, deux jeunes ont séjourné pendant 15 et 18 mois, tous deux alternativement sur le Léman et le lac de Neuchâtel, respectivement du 18 février 1998 au 19 juin 1999 (2- 3 a.c.) et du 28 novembre 2000 au 7 juillet 2002 (1-3 a.c.); dans les deux cas, les dernières observations ont été effectuées au lac de Bienne. Ces séjours prolongés sont sans doute favorisés par l'abondance des Goélands leucophées qu'il parasite, eux-mêmes nourris par les déchets de poissons abandonnés par les pêcheurs. La fréquence des apparitions en Suisse a bondi à la fin du XXe siècle: on ne connaît que 26 données de 29 individus de 1900 à 1996 mais 18 de 19 individus de 1997 à 2003! Cette recrudescence coïncide avec celle de la population globale, obtenue grâce à la protection des sites de nidification, notamment en Ecosse et aux îles Shetland et Féroé, où les effectifs ont connu une forte augmentation. L'exploitation des déchets de chalutage a sans doute également joué un rôle primordial dans l'explosion démographique actuelle. Le Grand Labbe niche sur les îles à végétation rase, souvent à proximité des colonies d'oiseaux de mer qu'il exploite, et hiverne généralement en haute mer. Diurne, il se nourrit de poissons, d'oiseaux (oeufs, jeunes et adultes) et de petits mammifères, exploitant notamment les déchets de chalutage, sans dédaigner les charognes. Sur le Léman, il poursuit de préférence les Goélands leucophées, mais également les Grands Cormorans, les Hérons cendrés et occasionnellement aussi les Milans noirs, afin de les faire régurgiter ou lâcher leur proie ; il a également été observé en train de se nourrir de cadavres de Grèbes huppés, peut-être tués par lui-même. Les migrateurs n'ont généralement été observés qu'un jour au même endroit, le plus long séjour antérieur à 1998 étant celui du 27 décembre 1969 au 18 janvier 1970 à Bâle. Sur le Léman, les jeunes ayant séjourné 15 et 18 mois écumaient tout le lac, mais se fixaient parfois pendant plusieurs semaines à proximité des Grangettes VD, puis à Genève, au large de La Côte VD ou dans la baie d'Excenevex F; sur le lac de Neuchâtel, ils se tenaient surtout sur le haut lac près d'Yverdon VD. Le Grand Labbe est généralement observé isolément en Suisse. L'espèce est le plus souvent silencieuse hors de la période de nidification mais émet parfois des jappements lors des poursuites. Le Grand Labbe ne paraît actuellement pas menacé. Il est cependant rendu vulnérable par le confinement des nicheurs dans quelques grandes colonies et par les marées noires. |
A propos de Lionel Maumary |