Rollier d'Europe juvénile, Bex VD, 20 août 2022. Lionel Maumary. Le Rollier niche à travers le sud de l'Eurasie et au Maghreb, dans les zones climatiques méditerranéenne, tempérée et steppique. La sous-espèce nominale niche du Maroc et du Portugal au nord-ouest de l'Iran et au sud-ouest de la Sibérie, atteignant sa limite septentrionale dans les pays Baltes; elle est remplacée par C. g. semenowi du golfe Persique au nord-ouest de la Chine. L'espèce est largement absente d'Europe centrale et du nord de l'Europe occidentale. Avec 4'000-10'000 couples, l'Espagne héberge le tiers de la population européenne; d'autre part, la Bulgarie, la Roumanie et l'Ukraine réunies comptent 6'000-12'500 couples, ce qui représente plus de 40% de cette population. L'espèce hiverne principalement en Afrique subéquatoriale, surtout dans la savane d'acacias d'Afrique orientale, dans une moindre mesure dans la ceinture sahélienne. En Suisse, c'est un migrateur irrégulier sur le Plateau, au Tessin, en Valais, exceptionnellement aussi dans le Jura et les Alpes (surtout en Engadine GR). Une nidification a eu lieu sur la frontière entre Meyrin GE et St-Genis F en 1896. Avec seulement 10 observations entre début août et début octobre, le Rollier n'a qu'irrégulièrement été vu en migration postnuptiale entre 1950 et 2003. Les données les plus tardives datent du 1er novembre 1912 à Stampa GR et fin novembre 1896 à Boswil AG. Au printemps, les premiers migrateurs arrivent exceptionnellement dans la deuxième décade d'avril, le passage culminant fin mai/début juin pour se terminer en juillet. Les observations suggèrent que les migrateurs parcourent les quelque 10'000 km séparant l'Europe de l'Afrique centrale à une vitesse moyenne de 67 km/jour en automne et de 110 km/jour au printemps. Après une phase d'expansion favorisée par un réchauffement climatique en Europe au début du XIXe siècle (il nichait alors régulièrement en Alsace F, dans le Bade-Wurtemberg D et en Bavière D), les effectifs du Rollier n'ont cessé de décliner; à partir de 1950, on assiste même à un effondrement de la population en Europe, accompagné d'un rétrécissement de l'aire de nidification, dont la limite a été repoussée de plusieurs centaines de kilomètres vers l'est. Entre 1970 et 1990, une contraction de l'aire de reproduction de 20-50% a été constatée dans la péninsule Ibérique, en Italie, en Bulgarie et dans l'ex-Union soviétique pendant que les populations de Lettonie, Autriche, Slovaquie, République Tchèque et Slovénie se sont pratiquement éteintes; dans l'est de l'Allemagne, il ne restait plus que 25-30 couples en 1976 sur les quelque 150-220 recensés en 1961, la dernière tentative de reproduction remontant à 1990; en Autriche, la population a chuté de 300-400 couples dans le Steiermark au début des années 50 à 180 en 1969 et seulement 7-15 depuis les années 80. Cette évolution se reflète dans la baisse significative du nombre de migrateurs observés en Suisse: alors qu'on en comptait en moyenne 4.4 (0-14) chaque année entre 1950 et 1985, seuls 1.7 (0-4) ont été enregistrés de 1986 à 2003, malgré l'augmentation du nombre d'observateurs; à partir de 1987, aucune année n'a livré plus de 3 données. Le Rollier est donc passé du statut de migrateur régulier à celui de rareté depuis les années 90. Paradoxalement, la population méditerranéenne du sud de la France s'est maintenue au même niveau depuis 1970, et montre même une légère tendance à l'expansion depuis 1990, après un déclin dans les années 80. Le Rollier habite les paysages semi-ouverts de l'agriculture traditionnelle, où des cordons boisés de vieux arbres à cavités, des bosquets et des forêts claires jouxtent des steppes, prés et champs cultivés extensivement. Il est lié au climat estival chaud et sec. Diurne et plutôt solitaire, il chasse les gros insectes à la manière des pies-grièches, en plongeant au sol depuis un poste d'affût dominant, tel que la couronne sèche d'un arbre, un poteau ou un fil électrique. Ses proies principales sont les gros coléoptères et les orthoptères; il capture à l'occasion d'autres invertébrés, des reptiles, des batraciens et des micromammifères, le régime alimentaire étant complété par des fruits en automne (raisin Vitis vinifera et figue Ficus carica mûrs). Des groupes se forment parfois autour de concentrations d'insectes dans les quartiers d'hiver et pendant la migration; les nicheurs s'agrègent parfois en petites colonies. Les migrateurs ne séjournent chez nous généralement qu'1-2 jours au même endroit, mais certains peuvent s'attarder exceptionnellement jusqu'à 15 jours. Les cris, rarement émis pendant la migration, sont des croassements brefs «rak-ak» ou «kraa». Un couple a niché en mai/juin 1896 à la frontière entre Meyrin GE et St-Genis F, dans un trou de peuplier Populus sp.au bord de la route. La femelle fut tuée le 17 juin alors qu'elle apportait la nourriture aux jeunes. Plus aucun indice de reproduction n'a été constaté depuis. Dans la région du lac de Constance, d'éventuelles tentatives de reproduction ont probablement été anéanties par des tirs: dans le Vorarlberg A, 2 oiseaux ont été tirés en 1965, année où des Rolliers ont séjourné jusqu'au 21 juin à Rankweil, jusqu'au 12 juin au Lauteracher Ried A et jusqu'au 10 juillet au delta du Rhin A. Le déclin de l'espèce en Europe est directement lié à des facteurs climatiques et à l'élimination des gros insectes consécutive entre autres à l'emploi des pesticides et à l'agriculture intensive; de même les nouvelles pratiques sylvicoles conduisent à l'élimination des structures paysagères et des vieux arbres à cavités, indispensables à la nidification. La conversion des prairies en cultures de maïs Zea mays est également l'une des causes principales de cette évolution dramatique. De nombreux migrateurs sont tirés dans la péninsule Arabique et dans la région méditerranéenne: des centaines, voire des milliers de Rolliers sont tués chaque année à Oman. En Espagne et dans le sud de la France, le nombre de couples nicheurs a augmenté suite à la pose de nichoirs. |
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