Pour la première fois depuis 1971/72, le Héron pourpré a niché avec succès à Chavornay VD. Au moins deux jeunes se sont montrés hors du nid fin juillet. Cela faisait de nombreuses années que des oiseaux estivaient au Creux de Terre, mais sans y nicher. L’espèce a recommencé à nicher dans la Grande Cariçaie depuis 2004, mais il semble qu’aucune nidification n’y a eu lieu cette année. La nidification de Chavornay est donc probablement la seule de Suisse romande en 2009. La sous-espèce nominale du Héron pourpré niche sporadiquement dans toute la moitié sud de l’Europe et aux Pays-Bas jusqu’à l’est du Kazakhstan, ainsi qu’en Afrique. Toute la population européenne est migratrice, les quartiers d’hiver principaux se situant en Afrique dans la ceinture sahélienne, un petit nombre hivernant sur les côtes méditerranéennes. En Suisse, c’est un migrateur rare au bord des lacs et des étangs du Plateau et, surtout au printemps, dans les plaines du Rhône VS et du Rhin GR, ainsi qu’au Tessin. Les sites les plus visités sont Les Grangettes VD, Chavornay VD, la rive sud du lac de Neuchâtel, le Neeracherried ZH, le Kaltbrunner Riet SG. Des migrateurs longeant le Jura sont régulièrement observés en automne au défilé du Fort l’Ecluse F. La traversée des Alpes à haute altitude est par exemple documentée par la découverte de 2 cadavres de jeunes oiseaux le 13 octobre 1967 sur le glacier du Théodule, à 3'400 m au-dessus de Zermatt VS. Une population nicheuse s’est établie sur la rive sud du lac de Neuchâtel dès 1941, mais elle s’est éteinte en 1987. L’espèce a niché à nouveau dans la Grande Cariçaie de 2004 à 2008. Les trois premiers nids ont été trouvés en 1941 près de Cheyres FR, sur la rive sud du lac de Neuchâtel, mais il existait déjà des observations estivales plus anciennes provenant de la Grande Cariçaie. Plusieurs colonies s’y sont formées par la suite, dès 1949 à Gletterens FR puis dans la baie d’Ostende VD. Pendant cette période prospère, quelques couples isolés ou de petites colonies éphémères se sont installés : au Fanel BE/NE en 1951-68 (1-7 couples), à Cudrefin VD en 1956 (3 couples), à Estavayer-le-Lac FR et à Yvonand VD en 1955 (1 couple chacun), et peut-être à Champ-Pittet VD en 1956-57. L’effectif global atteignait 54 couples nicheurs en 1955 et encore 40-45 en 1961. D’autres sites ont été colonisés au bord du lac de Bienne près de Cerlier BE (1-3 couples en 1965-74), aux étangs de Chavornay VD (1971-72), ainsi qu’au lac de Constance au delta du Rhin (1-5 couples irréguliers en 1965-2002), à la Mettnau D (1970-72) et au Wollmatinger Ried D (1977). Cet essaimage est peut-être lié à la régression très sensible qui se manifestait déjà au lac de Neuchâtel dès 1962, suite à la 2e correction des eaux du Jura qui a réduit la profondeur de l’eau dans les roselières. En 1972, il n’y avait plus que 8-10 couples sur la rive sud du lac de Neuchâtel, et 4-5 en 1976, la dernière preuve de reproduction certaine datant de 1987. Ce n’est qu’en 2004 et 2005 que 2 couples y ont à nouveau niché (P. Rapin, M. Antoniazza). Durant la période 1988-2003, seuls quelques oiseaux isolés ou des couples estivants ont été observés. Des soupçons de nidification ont eu lieu en 1994 et 1995. Des nidifications probables ont eu lieu en 2001 à Gletterens FR 28, en 2002 au Fanel BE/NE et en 2003 entre Gletterens FR et Chevroux VD. La disparition temporaire de l’espèce dans la Grande Cariçaie est sans doute en partie due à la baisse du niveau de l’eau lors de la 2e correction des eaux du Jura. La dépendance à un niveau d’eau suffisant dans les roselières est aussi montrée au delta du Rhin A, où les nidification n’ont lieu que lorsque le niveau de l’eau est élevé au début du printemps. Toutefois, les causes principales du déclin sont ailleurs, car il est généralisé en Europe depuis la fin des années 60, atteignant par endroits des valeurs de plus de 70 % : aux Pays-Bas, d’où proviennent probablement une partie des oiseaux observés en Suisse, d’après une reprise au delta du Rhin d’un oiseau bagué, la population nicheuse s’est effondrée de 900 couples en 1971 à moins de 200 dans les années 90 ; la population du sud de la France a subi le même sort, passant de 1'874 couples en 1982 à 712 en 1992, de même que la population d’Autriche, qui est passée de 320 couples dans les années 70 à 100 en 1990. Les drainages des marais et la destruction des habitats est localement responsable de cette régression, mais ne suffit pas à l’expliquer entièrement. Une corrélation entre un faible taux de survie hivernal et les années de sécheresse en Afrique occidentale a pu être mise en évidence pour des oiseaux bagués au nid aux Pays-Bas. Les dérangements par les bateaux et les promeneurs sont probablement également responsables de la disparition de l’espèce dans la Grande Cariçaie: une nidification probable a eu lieu en 2002, année de la fermeture du sentier traversant la lagune du Fanel. |
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