Hypolaïs ictérine mâle chanteur. L. Maumary. L'aire de nidification de l'Hypolaïs ictérine couvre la partie orientale de l'Europe de l'est de la France jusqu'en Sibérie centrale. Elle est limitée au sud par les Alpes, les Balkans, les mers Noire et Caspienne, les bastions les plus nordiques se trouvant sur la côte norvégienne, où elle dépasse le cercle polaire ; l'espèce est absente de Grande-Bretagne. Avec plus de 600'000 couples, la Biélorussie héberge 40 % de la population européenne (Russie non comprise). Les quartiers d'hiver se situent dans le sud de l'Afrique, de la Tanzanie au Transvaal. En Suisse, sur la limite méridionale et occidentale de l'aire de nidification, l'Hypolaïs ictérine niche surtout que dans le quart nord-est du pays, notamment dans la dépression du lac de Constance, devenant plus rare dans le bassin de l'Aar et de ses affluents. Face au retrait général de l'espèce vers le nord et l'est, la rive sud du lac de Neuchâtel et la Basse-Broye ont été partiellement épargnées. Avant tout oiseau de plaine, il a autrefois été trouvée nicheur en altitude : les nidifications les plus élevées ont été constatées à Einsiedeln SZ 950 m, Lauenen BE 1'260 m, et dans l'Urserental UR 1'500 m. Bien que visible en migration dans toute la Suisse, notamment lors de ses escales dans les vallées alpines, l'Ictérine n'est plus chez nous qu'un hôte de passage rare, qui peut temporairement se cantonner dans des régions naguère occupées sans toutefois s'y reproduire. Des mâles non appariés se cantonnent parfois au printemps dans des sites où il est douteux qu'ils se reproduisent, notamment en Valais central ou en Haut-Valais (vallée de Conches). Les captures sont régulières en automne aux cols de Bretolet VS et de Jaman VD. Très diffus, le passage postnuptial est révélé principalement par les filets des stations de baguage. L'espèce est capturée chaque année en automne aux col de Bretolet VS et de Jaman VD en très petit nombre (1-5 individus), mettant en évidence son transit à travers les Alpes, qui s'achève normalement à mi-septembre. La grande majorité des captures y sont effectuées par nuit à brouillard, lorsque les oiseaux volant à haute altitude sont attirés par une lampe. Les plus tardives datent du 2 octobre 1991 au col de Jaman, du 10 octobre 1971 à Yvonand et du 21 octobre 2001 à Lucerne. De retour de l'Afrique tropicale, l'Ictérine est un des derniers migrateurs à réintégrer ses lieux de reproduction, avec la Rousserolle verderolle et le Roselin cramoisi. Calculée sur 47 constats collectés entre 1887 et 1991, la date moyenne de retour dans le canton de Vaud tombe sur le 5 mai. L'espèce n'apparaît normalement pas avant le 22 avril, comme en 1949 à Genève, en 1951 à Lyss BE, en 1981 à Duillier, au plus tôt le 13 avril 1963 à Yverdon (R. Baula). Le passage printanier se déroule durant tout le mois de mai et l'on entend assez souvent des chanteurs encore en escale migratoire jusqu'au début de juin, notamment dans le fond des grandes vallées alpines. Le séjour de l'Ictérine sous nos latitudes ne dure guère plus de trois mois et demi. Arrivée au début de mai, c'est à fin juillet déjà qu'elle se met en route vers ses quartiers d'hiver en Afrique tropicale au sud de l'équateur. L'aire de répartition de ce sylviidé d'Europe centrale et de l'Est s'est peu à peu rétrécie dès les années septante à partir de sa bordure occidentale, alors qu'une tendance positive se manifeste dans le nord et l'est. Ce retrait a particulièrement affecté la Suisse où l'espèce, répandue autrefois, ne subsiste plus que très clairsemée aujourd'hui. Au temps de sa prospérité, elle était fréquente dans les bois sur sol humide des rives des lacs Léman et de Neuchâtel et des plaines adjacentes. Elle était considérée comme fréquente voire même abondante dans le centre et le nord-est du Plateau. En certains lieux favorables, la densité des nicheurs pouvait être élevée. C'était le cas entre Yverdon VD et Grandson VD dans une peupleraie riveraine avec sous-bois riche en aulnes et sureaux noirs: 7 nids sur 15 ha en 1949, 6 nids sur 27 ha en 1964 (D. Magnenat) et 5 ou 6 chanteurs en 1977 sur ce même secteur. Ce site privilégié a été occupé de façon décroissante jusqu'au début des années huitante. L'Ictérine était également répandue dans la plaine de l'Orbe où des chanteurs se faisaient entendre sur son adret jusqu'à l'altitude limite de 600 m. Dans la basse plaine du Rhône, malgré de fréquentes citations, une seule preuve de nidification a été obtenue en 1983 ; le Valais central, encore occupé de 1967 à 1969 sur les berges du Rhône entre Sion et Bramois, a été déserté depuis les années septante. Dans les environs de Lausanne, au début du siècle, la disait "habiter en grand nombre les belles propriétés situées aux abords de la ville". Le bassin lémanique a été progressivement abandonné dans les années cinquante et soixante, le dernier chanteur cantonné ayant été observé de mi-mai à fin mai 1988 aux Grangettes VD. Au bord du lac de Constance également, l'effectif a diminué de plus de 30% en dix ans. Globalement en Suisse, entre les périodes d'atlas 1972-76 et 1993-96, le nombre de carrés occupés est passé de 117 à 67, ce qui représente un rétrécissement de 43 % de l'aire de reproduction. La lisière des ripisylves de plaine est le milieu typique de l'Hypolaïs ictérine, qui aime l'ombre et la fraîcheur de la canopée. Elle recherche particulièrement les boisements de peupliers Populus, les aulnes Alnus et les bouleaux Betula et les sureaux Sambucus nigra pourvus d'une strate arbustive touffue et s'installe parfois aussi dans les parcs et les jardins. Elle se cantonne parfois dans les vergers de pommiers et poiriers aux abords des villages ; les peuplements purs de conifères sont généralement évités, mais des oiseaux se cantonnent dans des plantations d'épicéa dans le département français voisin du Doubs. Toujours très active, l'Ictérine se nourrit principalement d'insectes (diptères Diptera, hyménoptères Hymenoptera, papillons Lepidoptera, coléoptères Coleoptera, orthoptères Orthoptera) capturés en vol, aussi de baies à la fin de l'été. Très discrète, elle se tient le plus souvent dans la frondaison des arbres, sautillant d'une branche à l'autre. Les migrateurs font escale dans divers milieux boisés, haies, vergers et jardins. Ils voyagent de nuit, solitairement ou en groupes lâches, des concentrations comptant jusqu'à une dizaine d'individus se produisant en certains endroits au point culminant de la migration lors de conditions météorologiques perturbées, p. ex. 10 le 11 mai 2001 au delta du Rhin A. Son cri le plus fréquent sur les sites de reproduction est un « di-de-luiit » interrogatif ou un « tè-tè-tè » d'alarme ; généralement silencieux en automne, elle émet parfois un « tèk » bref. Le chant du mâle, très puissant, est un flot musical varié, mêlé de sons durs et grinçants, de brèves imitations d'autres espèces et de sons nasillards caractéristiques « gièh-gièh », souvent juxtaposés en contrastes saisissants. La femelle est aussi capable de chanter doucement. Le nid est construit relativement haut sur la fourche d'une branche, généralement entre 1 et 3 m du sol, parfois plus bas. Les 4-5 (3-6) œufs sont pondus dès le 14 mai, comme en 1949 à Yverdon, en 1952 à Nottwil LU et en 1959 à Diepoldsau SG, généralement dans la seconde moitié du mois ou les premiers jours de juin, parfois une deuxième fois fin juin/juillet ; les derniers jeunes prêts à l'envol ont été notés le 15 août 1959 à Yverdon. La durée d'incubation par la femelle est de 12-14 jours et le séjour des jeunes au nid de 13-14 jours ; ils deviennent indépendants 10 jours plus tard. La maturité sexuelle est atteinte à l'âge d'un an. L'hybridation avec l'Hypolaïs ictérine, exceptionnellement observée en France (qui a donné naissance à des oiseaux viables), n'a jamais été constatée en Suisse. Dans les bois riverains de peupliers et d'aulnes avec sous-bois riche en sureau noir entre Yverdon VD et Grandson VD, 6 nids avaient été recensés sur 27 ha en 1964 ; ce même secteur hébergeait 5-6 chanteurs en 1977. Le retrait vers le nord de l'Hypolaïs ictérine est probablement lié à la modification du climat en Europe centrale : l'influence atlantique augmente, ce qui induit des printemps fréquemment pluvieux. La perte des biotopes ne peut guère être évoquée pour expliquer ce déclin, ni la concurrence avec l'Hypolaïs polyglotte, étant donné que les deux espèces occupent des habitats bien différents. |
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