Sizerin flammé mâle (à gauche) et Sizerin cabaret mâle (à droite), Fulenbach SO, 24 janvier 2018. Lionel Maumary. Les parties supérieures (nuque notamment) sont plus claires que chez le Sizerin cabaret, avec une barre alaire et un croupion plus blancs. Le Sizerin se rencontre sous deux formes (Sizerin flammé et cabaret), considérées par certains comme des espèces distinctes ; seules de faibles différences génétiques ont pu être mises en évidence jusqu'ici. La sous-espèce nominale du Sizerin flammé niche à travers la ceinture circumpolaire de taïga et de forêts boréales du nord de l'Eurasie, de la Norvège au Kamtchatka et à la péninsule des Tchouktches, ainsi qu'en Amérique du Nord de l'Alaska à Terre-Neuve (Canada), remplacée par C. f. rostrata en Islande, dans le sud du Groenland et sur la Terre de Baffin. Le Sizerin cabaret niche sur les îles Britanniques, dans les Alpes, le Jura, les Sudètes, les Carpates et les montagnes d'Europe centrale: l'espèce s'est étendue en Europe centrale depuis les années 40 et 50 pour coloniser les côtes de la mer du Nord depuis le nord de la France jusqu'au nord de l'Allemagne, de vaste régions de plaine en Europe centrale, le Danemark ainsi que le sud de la Suède et de la Norvège. Le Sizerin a été introduit dans les années 1860 en Nouvelle-Zélande. La Fennoscandie héberge la totalité de la population européenne du Sizerin flammé, tandis que la Grande-Bretagne abrite près de la moitié de la population du Sizerin cabaret avec 170'000 couples; la Suisse est le 6e pays le plus peuplé par le Sizerin cabaret. Les populations d'Europe centrale et des îles Britanniques (Sizerin cabaret) sont plutôt sédentaires, bien qu'elles puissent aussi entreprendre des afflux pour atteindre l'Europe centrale, la France et l'Espagne après une bonne reproduction combinée à une très mauvaise fructification des bouleaux Betula sp. sur les îles Britanniques. En Suisse, le Sizerin cabaret niche principalement entre 1'600 et 2'100 m d'altitude dans les Alpes, où sa limite supérieure se situe vers 2'300-2'400 m dans les régions intra-alpines, descendant localement jusque vers 1'200 m, voire plus bas, comme en 1986 à Saanen BE 1'020 m. Dans le Jura, que l'espèce a colonisé surtout dès les années 7014, il se cantonne à 1'000-1'520 m dans le Jura vaudois (vallée de Joux et du Mont-Tendre à La Dôle) et dans les montagnes neuchâteloises (Les Ponts-de-Martel, La Sagne et région de La Chauxde- Fonds) et irrégulièrement au Chasseral BE vers 1'600 m. Du côté français, le Sizerin a niché au Crêt-de-la-Neige 1'720 m, au lac de Bellefontaine, à Chapelle-des-Bois, dans la forêt du Risoux et au lac des Rousses 1'060-1'220 m, ainsi qu'au lac de Remoray, à Bonnevaux F et à Frasne F 830-850 m. Probablement dès 1968-70, une colonisation s'est également amorcée dans la plaine du Rhône valaisanne entre 450 et 640 m d'altitude, d'abord dans les vergers et jardins de Sion, puis de là jusqu'à Fully et Martigny, ainsi qu'à Sierre et Rarogne. L'expansion s'est manifestée par la suite par des reproductions ou des tentatives en plaine: une nidification a eu lieu en 1978 et probablement aussi en 1980 (femelle transportant du matériel pour le nid) au delta de la Maggia TI 195 m, une tentative a avorté en 1983 à Vésenaz GE 380 m, 3 couples ont niché en 1985 à Gwatt BE 560 m, 4-5 couples en 1986-87 se sont reproduits dans une tourbière à Sâles FR 840 m, 5 et une nidification a eu lieu en 1990 à Portalban FR 430 m. L'espèce niche depuis 1979 au bord du lac de Constance à l'Eriskircher Ried D. De nouveaux sites ont été colonisés depuis: en 1981 en plusieurs endroits de la rive allemande du lac de Constance, en 1983 à Romanshorn TG et en 1985 au delta du Rhin A, où des observations en période de reproduction ont été effectuées dès 1982. Le Sizerin cabaret est essentiellement sédentaire et se contente généralement de mouvements altitudinaux. Les Sizerins hivernants sont observés chaque année en nombre fluctuant, surtout en plaine, aux abords des Alpes et dans la vallée du Rhône ; 84% des données proviennent d'altitudes comprises entre 350 et 1'400 m (1994/95-2003/04), mais des observations sont effectuées dans l'ensemble du domaine alpin entre 1'500 et 2'000 m, dont de grands groupes, comme environ 200 individus au-dessus de Leysin VD le 12 janvier 1994 à 1'800 m. Aucun hivernage complet de Sizerin n'est connu en Haute-Engadine GR. Les familles se regroupent et vagabondent dès la fin de la période de reproduction, des vols comptant jusqu'à 100 individus et plus étant alors souvent observés jusqu'à l'étage alpin à la recherche de graminées. Le Sizerin cabaret apparaît irrégulièrement dès la dernière décade de septembre en plaine, régulièrement dès la seconde moitié d'octobre jusqu'à fin mars ou mi-avril. Au col de Bretolet VS, de forts mouvements sont notés entre juillet et mi-septembre, avec un pic dans la seconde moitié d'août. Puis le nombre de captures diminue avant de remonter certaines années pour atteindre un pic fin octobre/début novembre, indiquant une migration à caractère d'invasion. Le Sizerin peut changer de quartier d'hiver d'une année à l'autre. L'arrivée sur les sites de nidification intervient en mars et se prolonge jusqu'à la seconde moitié d'avril ou la première moitié de mai. En Haute-Engadine GR, les observations régulières débutent en moyenne le 1er avril. Les derniers oiseaux sont encore irrégulièrement observés en plaine jusqu'à mi-mai. Des invasions de Sizerins flammés se produisent exceptionnellement certaines années, parfois loin vers le sud, comme en 1965/66, 1972/73 et 1986/87. Les trois anciennes données concernant des Sizerins flammés en Suisse au XXe siècle datent de tels hivers à invasions, soit en 1965/66 (1) et 1972/73 (2). Il est vraisemblable que les observations d'oiseaux pâles effectuées lors d'hivers d'invasions concernent des Sizerins flammés, comme en 1972/73, lorsque le plus fort afflux des Sizerins flammés s'est probablement produit en Suisse. On ne sait pas dans quelle mesure ces oiseaux atteignent notre pays aussi hors des années d'afflux. Dès les années 40 et 50, le Sizerin cabaret s'est répandu de la Grande-Bretagne vers le littoral de la mer du Nord, atteignant dès les années 70 le sud de la Suède et les Ardennes belges et françaises; parallèlement, les populations montagnardes d'Europe centrale, confinées pendant le XIXe siècle aux Alpes, aux Sudètes et aux Carpates, ont colonisé de nombreux sites de moyennes et basses altitudes d'Europe centrale, joignant la population s'étendant depuis les Ardennes. Depuis les années 90, les populations britannique et néerlandaise ont fortement décliné, et l'expansion semble s'être stabilisée dans les plaines d'Europe occidentale ainsi que dans le Jura et les Alpes. Le Jura a été colonisé surtout dès les années 70, les 1res nidifications récentes à la vallée de Joux VD ayant été découvertes en 1972 et 1978 au Sentier VD ; avant 1960, la nidification n'avait été signalée qu'à la Dôle VD et au Chasseral BE. Dans le Jura français, les premières observations en période de reproduction ont eu lieu en 1978 au Crêt de la Neige ainsi qu'en 1979 à Frasne, à Bonnevaux et dans la forêt du Risoux, avant la découverte de trois nids en 1983 au lac de Remoray. La colonisation des jardins, vignobles et vergers de plaine en Valais a également débuté surtout dans les années 70, époque à laquelle l'espèce atteignait les monts Lema et Generoso (jusqu'en 1983 en ce dernier lieu) au Tessin, apparemment abandonnés en 1993-96. Entre l'atlas de 1972-76 et celui de 1993-96, le nombre de carrés occupés est passé de 241 à 256, ce qui représente une extension de 6% de l'aire globale. Alors que sa répartition n'a pas changé dans les Préalpes septentrionales, le Sizerin cabaret s'est étendu dans le Jura et a décliné au sud du Tessin. Au bord du lac de Constance, le nombre moyen de territoires est passé de 3 en 1980-81 à 22 en 1990-92 et 36 en 2000-02, le nombre de carrés occupés ayant augmenté de 2 à 11 puis 19. Les nicheurs se concentrent actuellement sur la rive allemande du lac de Constance entre Immenstaad et Lindau. L'effectif helvétique fluctue fortement d'une année à l'autre, mais une légère tendance positive se dessine depuis les années 90. En montagne, le Sizerin cabaret choisit de préférence les boisements clairs ou les buissons jouxtant des pâturages ou des prés de fauche. Il montre une prédilection marquée pour les forêts de mélèzes Larix decidua pures ou mêlées d'aroles Pinus cembra. On le trouve aussi à la limite des arbres dans des bouleaux Betula sp., sur des moraines ou près de la langue des glaciers, aussi dans des peuplements de pin couché P. m. mugo, des aulnaies et des saulaies à l'étage subalpin ainsi que dans des zones alluviales aux étages montagnard et subalpin. Dans les Préalpes, il niche également dans les pins Pinus sp. Ou bouleaux Betula sp. et aulnes Alnus sp. clairsemés des tourbières alors qu'en plaine, il se cantonne dans les agglomérations, parcs, vergers, vignobles et plantations de conifères. La distance entre les sites de nidification et de gagnage peut être de 1.5 km et représenter une dénivellation de 250 m. En plaine, le Sizerin fréquente en hiver surtout les ripisylves, les lisières forestières, les boqueteaux, les haies, les terrains vagues, les parcs et les jardins à l'intérieur des agglomérations. Diurne, le Sizerin se nourrit principalement de graines cueillies sur des arbres (bouleaux, aulnes, saules Salix sp., mélèze, épicéa Picea abies, pins), occasionnellement aussi sur des plantes herbacées (graminées, composées, polygonacées, onagracées, chénopodiacées), sur des champs de neige ou à terre. Au printemps, il complète son régime alimentaire avec des bourgeons et des jeunes pousses et, surtout entre mars et août, des insectes (pucerons et chenilles notamment) et d'autres invertébrés. Sans cesse en mouvement, il se suspend acrobatiquement aux branches pour décortiquer les chatons et fruits de bouleaux et d'aulnes. L'ingestion de grains de sable et de petits cailloux est nécessaire pour le broyage des graines dans le gésier. Grégaires toute l'année, les Sizerins se regroupent en troupes pouvant compter plusieurs dizaines, voire jusqu'à 300 individus surtout en fin d'été et au printemps. L'observation d'environ 500 oiseaux le 25 mars 1973 (lors de l'hiver d'invasion 1972/73) au Chasseral BE est exceptionnelle. En hiver, les groupes comptent généralement jusqu'à 20 individus (94% des données hivernales, 1994/95-2003/04), plus rarement jusqu'à 100 ou plus. Les plus grands rassemblements hivernaux comptaient 350 individus le 9 janvier 1987 à Riom GR à 1'140 m et environ 300 le 22 janvier 1991 à Stampa GR 990 m. Le Sizerin flammé se montre souvent peu farouche, se laissant parfois approcher à quelques mètres lorsqu'il se nourrit. Les migrateurs volent en groupes lâches. Les cris émis en vol sont des «tieu-tieu-tieu» métalliques. Le chant du mâle est une série de trilles «errrrr» bourdonnants ponctués de «tieu-tieu-tieu-tieu» caractéristiques, émis lors d'un vol nuptial ondulant, décrivant un grand circuit, ou depuis un perchoir. |
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