Fig. 1. Pygargue à queue blanche au-dessus de l'ile aux oiseaux de Préverenges VD. 10 novembre 2019, Franck Lehmans. Fig. 2. Evolution de la population au sud-ouest de la Baltique à la fin du XXe siècle et au début du XXIe. Fig. 3. Pygargue à queue blanche juvénile hivernant aux Grangettes en mars 1992. L. Maumary. Le Pygargue à queue blanche est largement distribué dans la moitié nord du continent eurasiatique, de la Scandinavie et la mer Noire à la péninsule des Tchouktches et l'île de Sakhaline. Des populations isolées nichent dans l'ouest du Groenland, de l'Islande et de l'Ecosse (réintroduit). En Europe, l'espèce niche principalement sur la côte de la mer de Norvège (à peine 55% de la population européenne) et autour de la mer Baltique. Une population d'environ 140 couples se reproduit dans le bassin Pannonien en ex-Yougoslavie et en Hongrie, dont une cinquantaine respectivement en Croatie et en Hongrie. Historiquement, l'aire de distribution de l'espèce était beaucoup plus étendue qu'aujourd'hui, mais ce grand rapace a été exterminé dans plusieurs pays d'Europe depuis 1800 : il nichait en Irlande, en Corse (jusqu'en 1939), au Portugal, en Espagne, en Sardaigne, à Malte, au Danemark et en Autriche; l'espèce niche à nouveau dans ces deux derniers pays. En Suisse, le Pygargue est rare mais régulier en migration au bord des lacs du Plateau; la plupart des observations proviennent de celui de Neuchâtel et ceux des plaines adjacentes. Outre deux anciennes données dans les Alpes (un jeune tiré fin octobre ou début novembre 1942 à Brail GR) et au Tessin(1 le 8 octobre 1933 dans la plaine de Magadino), il n'existe qu'une donnée récente dans les Alpes: 1 immature le 26 octobre 1996 au-dessus de Susch GR, à 2'100 m d'altitude (B. Wartmann). Les oiseaux observés en Suisse proviennent probablement le plus souvent de la région baltique, mais il est aussi possible que des individus originaires du nord de la Russie soient parfois impliqués car cette population est la plus migratrice. Le Pygargue à queue blanche est observé principalement entre novembre et mars, exceptionnellement en septembre/octobre ou en avril. En Suisse, il n'y a eu que 5 hivernages complets connus d'oiseaux immatures: du 23 octobre 1966 à mars 1967 dans la plaine de la Broye FR/VD (T. Blanc), du 10 décembre 1988 au 4 mars 1989 à Alpnach OW (S. Trinkler et al.), du 30 décembre 1989 au 5 février 1990 à la retenue de Klingnau AG (A. Ingold et al.), du 26 janvier au 2 avril 1992 aux Grangettes VD puis du 3 décembre 2001 au 16 février 2002 entre la rive sud du lac de Neuchâtel VD/FR, la retenue de Niederried BE et le lac de Wohlen BE (C.-L. Suter Thalmann et al.). La très grande majorité des Pygargues observés en Suisse sont des immatures (60 des 63 individus déterminés, 1950-2003), si bien que le séjour d'un adulte du 31 mars au 3 juin 1984 dans la région d'Oberiberg SZ, entre 1'300 et 1'900 m d'altitude dans le territoire d'un couple d'Aigles royaux, est d'autant plus inhabituel et concernait probablement un échappé de captivité. Aucune tradition d'hivernage ne s'est instaurée car les adultes sont très sédentaires dans leurs sites de nidification européens. Entre 1956 et 1970, on comptait 1 à 7 observations par année en Suisse et l'espèce était régulière en hiver au lac de Constance, puis il n'y a eu que 6 observations en Suisse et seulement 7 au lac de Constance entre 1971 et 1982. De 1983 à 2003, l'espèce a été vue 39 fois, à nouveau chaque année 1-5 fois sauf en 1990 et 1991. Cette évolution récente est directement liée à l'augmentation des effectifs nicheurs dans le nord de l'Europe, notamment en Pologne et en Norvège, où la population est passée de 700-800 couples en 1968 à 1'500 en 1993 puis 1'600-1'800 en 1997 ; l'espèce revient également entre autres en Allemagne grâce aux mesures de protection et étend son aire de reproduction. Le Pygargue recherche les rives boisées inhabitées des lacs et des grandes rivières, où il peut pêcher non loin d'un refuge peu accessible à l'Homme. Diurne et solitaire, il pêche le plus souvent des poissons morts ou malades près de la surface de l'eau, chasse occasionnellement aussi des oiseaux et de petits mammifères et se nourrit volontiers de charognes. En février 1954, un oiseau a pourchassé des Corneilles noires pour leur voler des Anodontes Anodonta sp. L'oiseau hivernant de janvier à avril 1992 aux Grangettes VD parasitait les Grands Cormorans, récoltant les proies abandonnées par ceux-ci dans la panique générale qu'il provoquait. Il passait la nuit dans le Bois-des-Iles. Un autre immature qui a hiverné en 2001/02 à la retenue de Niederried BE, en compagnie de l'Aigle criard, se reposait sur l'île boisée et dans les grands pins Pinus sp. d'un ravin bordant l'Aar. L'espèce est généralement silencieuse hors de la période de reproduction. Le Pygargue a été persécuté par les chasseurs et les collectionneurs d'oeufs, ce qui a causé de nombreuses disparitions en Europe au XIXe siècle. Par la suite, l'espèce a souffert des empoisonnements, notamment à la strychnine, puis de l'utilisation du DDT et des PCBs qui ont causé sa régression entre 1950 et 1970, surtout autour de la Baltique. Grâce à la protection dont elle jouit actuellement, l'espèce est en train de se rétablir dans le nord de l'Europe et niche à nouveau au Danemark et en Autriche. Le Pygargue est sensible aux dérangements et ne séjourne que dans de grandes zones non perturbées: les rares cas d'hivernage en Suisse ont eu lieu dans des réserves d'oiseaux d'eau d'importance internationale, possédant des rives abruptes, des presqu'îles ou îlots boisés difficiles d'accès. |
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