Marouette poussin femelle avec un de ses deux poussins. Chavornay, 6 août 2020. Lionel Maumary & Martine Wagen-Jaussy. La Marouette poussin niche sporadiquement dans les zones tempérée, steppique et méditerranéenne du Portugal au Kazakhstan et au Sin-kiang dans le basin du Tarim (Chine), le noyau de la population se trouvant dans l'ouest de la Russie. Avec 15'300-27'000 couples, l'Autriche et la Hongrie (surtout le lac de Neusiedl), hébergent plus de 60% de la population européenne (Russie non comprise), le reste se trouvant principalement en Roumanie, Ukraine et Biélorussie. Les quartiers d'hiver, peu connus, se situent principalement dans la ceinture sahélienne, en Ouganda, au Kenya, ainsi que de la péninsule Arabique au Pakistan et au nord-ouest de l'Inde; un petit nombre hiverne autour de la Méditerranée et dans le sud du Portugal. En Suisse, l'espèce nichait jusque dans les années 80 probablement régulièrement sur la rive sud du lac de Neuchâtel. Les 3 premières preuves de reproduction datent du 15 juillet 1947 (R. Gacond) et du 25 juin 1948 au Fanel BE/NE, et du 29 mai 1955 à Chevroux VD. Des nidifications ont également eu lieu en 1960 au Kaltbrunner Riet SG et en 1971 à Chavornay VD, probablement aussi aux Grangettes VD, à Bavois VD et au Neeracherried ZH ainsi qu'au Wollmatinger Ried D, au Mindelsee D et au delta du Rhin A. Une seule nidification a pu être prouvée en Suisse après 1971, en 2018 dans la baie d'Ostende VD (M. Zimmerli). Depuis les années 90, des oiseaux isolés ont été entendus ou observés après mi-mai aux Bolle di Magadino TI, aux Grangettes, sur la rive sud du lac de Neuchâtel, au Kaltbrunner Riet et au delta du Rhin A, de même qu'au lac de Remoray F 850 m, à 10 km de la frontière suisse. En migration, la Marouette poussin apparaît dans les zones humides de plaine sur le Plateau et au Tessin, rarement dans la plaine du Rhône en Valais, le cas échéant à Martigny notamment. La traversée des Alpes est documentée par la découverte du cadavre d'un jeune mâle d'une année le 6 avril 1951 à Göschenen UR 1'160 m, ainsi que par les observations d'un mâle le 23 mars 1996 (C. Mauri, K. & L. Felix) et d'un individu le 4 août 2003 (K. & L. Felix) à Scuol GR 1'140 m. Il existe une donnée en altitude dans le Jura: 1 individu le 26 avril 2003 au lac de Joux VD/Le Chenit VD 1'005 m (C. Guex). La migration postnuptiale débute dans la dernière décade de juillet, culmine fin août/début septembre et se termine début octobre, quelques attardés pouvant encore être observés jusqu'à la fin de ce mois. La première donnée documentée de novembre date de 2004 à la retenue de Klingnau AG (1 jeune du 21-30 octobre et le 6 novembre ainsi que 2 jeunes du 1-5 novembre 2004; S. Zimmerli, T. Stahel et al.). Au printemps, les migrateurs apparaissent dès mi-mars, le passage culminant mi-avril et se terminant fin mai. Les rares observations de juin concernent en partie des nicheurs potentiels. L'espèce est plus fréquente au printemps (178 sur 279 observations, soit 64% des données 1959-2003) qu'en automne. Sur les rives du lac de Constance dans les années 70, les observations se concentraient par contre fin août/début septembre. Le nombre de carrés d'atlas occupés en Suisse est passé de 14 en 1972-76 à 5 en 1993-96, ce qui représente une diminution de 64%. Sur les rives du lac de Constance, on compte 65 données de 1961 à 1970 contre seulement 23 de 1971 à 1980, puis 24 de 1982 à 1995. Sur la rive sud du lac de Neuchâtel, 8 chanteurs ont été recensés en 1975 entre le Fanel BE/NE et Cudrefin VD (A. Dyrcs), 4 chaque année de 1976 à 1978 entre Chevroux VD et Portalban FR et 4 en 1985, 1987 et 1989 entre Yverdon VD et Cudrefin VD (M. Antoniazza). Depuis 1990, des mâles chanteurs ont été entendus après mi-mai sur la rive sud du lac de Neuchâtel en 1991 à Chevroux, en 1995 à Ostende/Chevroux, en 1997 à Yvonand VD, en 1998 au Fanel et à Ostende/Chevroux et en 2000 au Fanel. A Chavornay VD, l'espèce a été observée chaque année de 1971 à 1976 (sauf en 1974), tout comme la Marouette de Baillon, alors qu'elle n'y a plus été rencontrée que 6 fois entre 1980 et 2003. Cette diminution est le reflet du déclin de l'espèce en bordure occidentale de l'aire de reproduction, ainsi que dans ses principaux bastions européens, notamment en Roumanie et en Ukraine. La Marouette poussin niche dans les vieux massifs de massettes Typha sp., roseaux communs Phragmites australis, joncs Juncus sp. et laiches Carex sp., bien denses et inondés, avec de petites plages de vase. Elle vit cachée dans la végétation, sortant peu à découvert. En migration, elle est susceptible d'apparaître dans toutes les zones humides de plaine possédant une végétation palustre suffisamment dense. Diurne et crépusculaire, elle se nourrit d'invertébrés picorés dans l'eau ou dans la vase, en marchant, nageant et parfois en plongeant. Les graines et pousses de plantes aquatiques complètent le régime alimentaire. La Marouette poussin se déplace avec agilité sur la végétation flottante et peut grimper sur les tiges de roseaux. L'espèce est généralement solitaire, mais des groupes lâches de 2-3 individus sont parfois observés chez nous au moment culminant de la migration. Le chant du mâle est une série descendante de «kouèk» répétés à intervalle de 1-2 s au début, puis s'accélérant en decrescendo pour finir en caquètement rapide. Les chanteurs entendus durant la nuit ne permettent pas de conclure à la présence d'un couple, les mâles non appariés étant particulièrement loquaces; au contraire, une fois accouplés, ils réduisent fortement leur activité vocale. Le chant peut être confondu avec celui du Râle d'eau notamment. En 1971, le couple de Chavornay VD occupait un territoire d'environ 1'000 m2 de roseaux, massettes, joncs des tonneliers Schoenoplectus lacustris et laiches. Son nid flottant, bien dissimulé dans un massif de joncs des tonneliers et principalement constitué de feuilles sèches de massettes, était distant d'une vingtaine de mètres de celui d'un couple de Marouettes de Baillon; la ponte des 4 oeufs a débuté le 8 juin et était complète le 11 juin 19718. Au Fanel BE/NE, un mâle conduisait 3 jeunes le 15 juillet 1947 (R. Gacond) et un nid, situé dans les joncs, le fond presque au niveau de l'eau, contenait 5 oeufs le 25 juin 194816 ; à Chevroux VD, 4 poussins et 1 oeuf à l'éclosion ont été découverts le 29 mai 1955 dans une touffe de laiches glauques Carex flacca entourée d'eau ; au Kaltbrunner Riet SG, un nid contenait 7 oeufs couvés depuis 10-12 jours le 9 juin 1960, dans le couvert d'une touffe de 1×2 m de morelles doucesamères Solanum dulcamara mêlée de roseaux, entourée d'eau peu profonde; les jeunes sont éclos les 19-20 juin 19609. L'incubation, par le couple, débute entre la ponte du 2e et du dernier oeuf et dure 21-23 jours; les éclosions sont asynchrones. Les poussins sont nourris et couvés par les adultes pendant quelques jours, après quoi les jeunes se nourrissent seuls; ils sont indépendants avant d'être capables de voler, à l'âge de 45-50 jours. Il y a normalement 1-2 couvées annuelles. L'habitat de la Marouette poussin n'a cessé de se réduire en Europe avec la destruction généralisée des roselières et l'assèchement des marais. Malgré une régression dans de nombreux pays européens, une expansion vers le nord s'est manifestée par la colonisation de la Lettonie dans les années 30, la Suède dans les années 40 et la Finlande dans les années 70. La protection des grandes roselières matures, les mesures de revitalisation des marais par décapage et débroussaillage ainsi que la création de petits plans d'eau permettent la nidification de l'espèce et offrent des sites d'escale adéquats. Les roselières ne devraient pas être fauchées annuellement sur de grandes surfaces. |
A propos de Lionel Maumary |