Le 13 novembre 2008, les jardiniers de Clarens sont intrigués par le raffut des Corneilles noires autour d’un des grands arbres du cimetière de Clarens. Ils y découvrent un Grand-duc trônant tel un chat à la base d’une grosse branche, tenant fermement dans ses serres une corneille qu’il vient de capturer. Il y dormira toute la journée. S’agissait-il d’un jeune à la recherche d’un territoire ? On peut espérer que l’espèce s’installe dans les falaises surplombant la région de Montreux… En Suisse, le Grand-duc est répandu mais très dispersé. Il est pratiquement absent du Plateau, en raison du faible nombre de parois appropriées à sa reproduction. Les couples sont rares dans le Jura occidental et les Préalpes, leur distribution étant bien plus continue en Valais, au Tessin, dans les Grisons et la vallée du Rhin saint-galloise. L’espèce niche du niveau de la plaine (environ 200 m au Tessin) jusqu’à la limite supérieure des forêts, vers 2'200 m d’altitude (Grisons). Les adultes sont sédentaires, mais les jeunes à la recherche d’un territoire se livrent à des déplacements de quelques dizaines de kilomètres, comme les recherches à l’aide de la télémétrie l’ont également montré récemment. Dès le XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe, l’espèce n’a cessé de se raréfier en Suisse, notamment en raison des persécutions directes, des dérangements, d’accidents et de l’utilisation de biocides. Les sites de nidification du Jura, du Plateau et des Préalpes occidentales ont été désertés les uns après les autres. Suite au démarrage d’un programme de réintroduction et de l’interdiction de la chasse dès 1925, les effectifs se sont lentement rétablis depuis les années 60 : au début des années 60, l’effectif nicheur helvétique était estimé à 30-50 couples, puis à 60 couples dans les années 70 et 120 dans les années 90. En Valais et dans la basse plaine du Rhône VD/VS, aucun site de reproduction n’était connu en 1972-76, ce qui est dû en partie à une prospection incomplète. Depuis les années 70, on observe en Suisse un élargissement de l’aire de répartition à partir du noyau central des Grisons et du Tessin. Dans le Jura septentrional, suite à des lâchers qui ont été effectués avec succès dès 1976. En Suisse, au moins 270 Grands-ducs ont été relâchés (au moins 162 dans le nord-ouest du pays en 1972-86, au moins 83 dans le canton de Zurich en 1962-79 et 23 dans le canton de Schaffhouse en 1985-90). Entre l’atlas de 1972-76 et une prospection en 1987-93, l’espèce est réapparue hors du Valais dans plusieurs régions du Jura, des Préalpes et du Plateau, le nombre de carrés occupés ayant pratiquement doublé. Le nombre de carrés occupés a diminué légèrement en 1993-96 et des indices de recul se manifestent dans quelques régions depuis la fin des années 90. La conjonction de plusieurs facteurs comme la persécution directe, les dérangements, les accidents provoqués par les lignes électriques et l’utilisation de biocides a provoqué des pertes considérables dès le XIXe siècle, à tel point que le Grand-duc a disparu de plusieurs régions d’Europe, dont le Jura et le Plateau suisses. Après avoir été placées sous protection, ses populations ont augmenté à nouveau dans toute l’Europe depuis le milieu du XXe siècle. Des lâchers ont contribué localement à cette croissance et de nombreuses régions abandonnées ont été recolonisées. La multiplication des lignes électriques constitue actuellement la menace la plus importante pour l’espèce en Suisse, de même que les trafics routier et ferroviaire. Les câbles à proximité des sites de nidification devraient être signalés par des ballons et les isolateurs devraient être sécurisés afin d’empêcher les collisions et les électrocutions. Les nouvelles lignes devraient suivre un tracé optimal afin d’éviter le danger de collision et les falaises de nidification ne devraient pas être perturbées par des activités de loisirs. En outre, une campagne riche en structures devrait être conservée sur de grandes surfaces. L’utilisation récente de rodenticides et autres biocides comme la bromadiolone dans la lutte contre les campagnols s’avère désastreuse pour l’espèce. Il faut renoncer à de nouvelles introductions. |
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