Les nichoirs à Chouette hulotte sont vides sur le Plateau vaudois. Le taux d’occupation est extrêmement faible dans les bois du Jorat et au pied du Jura, probablement en raison d’un manque de nourriture. En effet, des plumes de passereaux ont été retrouvées dans les rares nichoirs occupés, ce qui indique que les mulots sylvestres et à collier ainsi que les campagnols roussâtres, proies favorites de l’espèce, ne sont pas en nombre suffisant. Peut-être que l’hiver très froid et enneigé a également joué un rôle défavorable. Paradoxalement, une famille est déjà sortie du nid fin mars à Dorigny/Lausanne VD. La Chouette hulotte occupe trois aires principales disjointes : en Europe, dans le sud de l’Asie et dans l’extrême nord de l’Afrique. La sous-espèce nominale niche dans le centre, le nord et l’est de l’Europe jusqu’à l’Oural, atteignant le sud de la Scandinavie au nord, l’Italie et les Balkans au sud : elle est remplacée par S. a. sylvatica (plus petite) en Grande-Bretagne (sauf l’Irlande où l’espèce est absente) et sur la péninsule Ibérique ; la zone de transition entre ces 2 sous-espèces passe par l’est de la France. Neuf autres sous-espèces se trouvent du Moyen-Orient à Taiwan, ainsi qu’au Maghreb. L’espèce est très sédentaire, même les jeunes n’entreprennent que de modestes dispersions. En Suisse, l’espèce est répandue dans toutes les régions boisées du pays au-dessous de 1'000 m d’altitude, montant localement jusqu’à la limite des forêts dans certaines vallées alpines bien pourvues en feuillus, comme dans la vallée de Conches VS, en Haute et Basse-Engadine et dans d’autres vallées des Grisons. L’espèce est très sédentaire, ce qui est confirmé par les reprises d’oiseaux bagués. Ainsi une femelle occupé pendant 20 ans le même nichoir dans la plaine de la Broye FR/VD, à 2.75 km de son lieu de naissance. Les adultes demeurent dans leur territoire toute l’année, alors que les jeunes se dispersent à la fin de l’automne à quelques kilomètres de leur lieu de naissance. En Suisse, les effectifs semblent stables à long terme et l’espèce a pu être trouvée dans quelques nouveaux secteurs de moyenne altitude en 1993-96 par rapport à la période de l’atlas 1972-76, ce qui représente une expansion de près de 10 % en Valais, dans les Grisons et au Tessin. Cette évolution est probablement due surtout à une prospection plus efficace, mais il n’est pas exclu que l’espèce ait profité de la série d’hivers doux pendant les années 90. A l’inverse, le nombre de réceptions dans les centres de soins a légèrement diminué dans les années 80 et 90, ce qui pourrait indiquer un déclin imperceptible. L’abondance des micromammifères influence directement le nombre de nichées, la grandeur et la date de ponte ainsi que le succès de reproduction, provoquant d’importantes fluctuations annuelles. Dans le canton de Schaffhouse par exemple, 42 nichées ont été recensées en 2000 contre seulement 6 en 2001, année de disette 37 ; dans 3 populations se reproduisant en nichoir dans le canton de Vaud, il y avait 49 nids en 1990, avec en moyenne 4.0 œufs et 3.7 jeunes à l’envol, alors qu’en 1992 on n’y a trouvé que 19 nids, avec 2.3 œufs et 0.9 jeune à l’envol (P.-A. Ravussin et al.). Grâce à son habitat forestier et à la versatilité de sa prédation, elle souffre moins des hivers rigoureux que les rapaces nocturnes habitant les milieux ouverts, mais l’enneigement prolongé peut réduire localement les effectifs. En Suisse, la Hulotte se nourrit principalement de micromammifères, ses proies favorites étant les Mulots sylvestre Apodemus sylvaticus et à collier A. flavicollis ainsi que les Campagnols roussâtre Clethryonomys glareolus, des champs Microtus arvalis, et agreste M. agrestis, le Muscardin Muscardinus avellanarius et, dans une moindre mesure, d’autres campagnols (Arvicola sp.), taupes Talpa sp., musaraignes (Sorex sp., Crocidura sp.), souris Mus sp., Lérot Eliomys quercinus et autres mammifères plus grands tels que le Rat surmulot Rattus norvegicus, la Belette Mustela nivalis, l’Hermine Mustela erminea ou l’Ecureuil Sciurus vulgaris, jusqu’à la taille du jeune Lièvre brun Lepus europaeus. Certains individus se spécialisent dans la chasse aux passereaux, visitant les dortoirs de Moineaux domestiques et friquets, Merles noirs, Etourneaux sansonnets, Hirondelles rustiques ou de fenêtre qu’ils débusquent en frappant la végétation de leurs ailes, ou en prélevant les jeunes dans les nids ; Geai des chênes, Grives musicienne et litorne, mésanges, Pinson des arbres, Verdier d’Europe ou Bruant jaune sont d’autres proies ailées fréquentes, exceptionnellement le Coucou gris, le Martinet noir, la Corneille noire et le Canard colvert. Opportuniste, elle sait profiter de l’abondance locale de campagnols jusque dans des milieux artificiels confinés, comme dans des serres en plastique. Les pelotes de réjection de la Hulotte sont plus rondes et irrégulières que celles du Hibou moyen-duc. Lorsque la nourriture abonde, elle accumule des provisions, notamment dans le nid pendant la période de reproduction. Les micromammifères sont avalés entiers, souvent décapités par les adultes qui n’en mangent que la tête et apportent le corps aux jeunes. Pendant la journée, la Hulotte se retire généralement dans un sapin, se blottissant contre le tronc pour échapper à l’ire des passereaux, qui la houspillent sans relâche s’ils la découvrent ; elle peut aussi se cacher dans le lierre ou occuper une cavité d’un arbre, d’un mur ou d’un rocher, une niche sous des racines au flanc d’un talus, un grenier, une grange, voire une cheminée. En automne et à la fin de l’hiver surtout, le mâle affirme sa présence par son hululement prolongé, mourant en trémolo : « houe… hou-hou-houououououououe » ; la femelle y répond fréquemment par un « ki-wîk » caractéristique, mais dont elle n’a pas l’exclusivité. Les jeunes claquent du bec lorsqu’ils se sentent menacés, et quémandent hors du nid avec des chuintements et divers cris perçants. L’activité de chant est inhibée par le vent, moins par la pluie ou le froid. Le chant est exceptionnellement entendu en plein jour. |
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