La chronique
de Lionel Maumary
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16.07.2023
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15.07.2023
Une Mouette de Franklin à Klingnau (Argovie, Suisse) -
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Une Bargette de Térek à l'île aux oiseaux de Préverenges -
05.12.2021
Une hécatombe d'insectivores sous le déluge en 2021 -
18.06.2021
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15.01.2021
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07.06.2020
Première nidification lémanique de l'Eider à duvet -
31.05.2020
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04.05.2020
La migration bat son plein à l'île aux oiseaux de Préverenges -
13.03.2020
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02.01.2019
Un nouveau biotope pour les bécassines à Lausanne-Vennes -
31.12.2018
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04.03.2017
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09.11.2016
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30.07.2016
Conservation de la colonie de Martinets alpins du Château St-Maire -
30.07.2016
Reprise d'un Grand Labbe écossais de 23 ans au Spitzberg (Norvège) -
25.07.2016
Premier envol de Sternes pierregarins à Préverenges (Reportage vidéo Journal Télévisé) -
16.07.2016
Première reprise en Suisse d'une Rousserolle effarvatte anglaise -
17.06.2016
La plateforme à Sternes pierregarins de Préverenges est adoptée ! -
05.03.2016
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22.12.2015
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08.09.2015
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20.08.2015
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07.10.2014
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01.08.2014
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La plateforme à Sternes pierregarins de Préverenges est adoptée !
Lionel Maumary, Oiseaux.ch, 17.06.2016Depuis fin mai 2016, la plateforme à sternes de Préverenges, terminée en 2015, accueille une colonie d'au moins 30 couples nicheurs de Sternes pierregarins. Cette plateforme a été construite par le Cercle ornithologique de Lausanne grâce à la générosité de Mme Bauer-Lasserre, la Fondation Ellis Elliot et la Fondation Phragmites. L'île aux oiseaux de Préverenges accueille donc maintenant la première colonie de Sternes pierregarins sur la rive nord du Léman, les autres sites de nidification lémaniques (tous sur radeaux artificiels) se trouvant aux Grangettes VD et à la Pointe-à-la-Bise GE.
La Sterne pierregarin est répandue dans le monde entier : la sous-espèce nominale niche du nord au sud de l'Amérique, sur les îles de l'Atlantique, en Afrique du Nord et de l'Ouest, ainsi qu'en Europe de l'Espagne et de la Grande-Bretagne à travers la majeure partie de l'Eurasie jusqu'au bassin du Ienisseï. Trois autres sous-espèces nichent de l'Asie centrale à la Chine et au Kamtchatka. Les quartiers d'hiver se situent principalement sur les côtes des mers tropicales, la population paléarctique hivernant des côtes atlantiques africaines à celles de l'océan Indien. Avec environ 45'000 couples, la Finlande héberge 20 % de la population européenne.
En Suisse, l'espèce niche actuellement en 20 colonies réparties sur les lacs du Plateau, la plus importante étant celle du Fanel NE/BE avec env. 200 couples, soit la moitié de l'effectif helvétique. Les autres colonies comptant plus de 10 couples se trouvent à Verbois GE, aux Grangettes VD, à Klingnau AG, au lac de Morat VD, au lac de Zurich et sur les rives suisse et autrichienne du lac de Constance. La plupart des sites de nidification se situent entre 280 et 430 m d'altitude, le plus élevé étant depuis 1996 le radeau du lac de la Gruyère FR à 680 m. En migration, l'espèce peut être observée sur tous les plans d'eau du Plateau, plus rarement dans le Jura, irrégulièrement à l'intérieur des Alpes et au Tessin, où l'espèce était une rareté jusqu'en 1960. Hors des sites de nidification, les plus grandes concentrations de migrateurs sont observées à Genève, à Préverenges VD et à Yverdon VD.
Les adultes nicheurs accompagnés de leurs jeunes disparaissent des sites de reproduction entre mi-juillet et mi-août. Des familles sont observées jusqu'à fin août, parfois jusqu'à fin septembre sur le Léman, dans la baie d'Excenevex F et près de Genève surtout. Des retardataires sont exceptionnellement observés encore en novembre. Les premiers migrateurs arrivent dès fin mars, la migration culminant dans la seconde moitié d'avril sur le Léman et le lac de Neuchâtel, dans la première moitié de mai sur le lac de Constance. Des estivants non nicheurs sont régulièrement observés en juin et juillet loin des colonies.
Au XIXe siècle, la Sterne pierregarin était plus fréquente que la Mouette rieuse en Suisse. Ses effectifs y ont fortement diminué jusque dans la deuxième moitié du XXe, avant de se rétablir grâce à la mise à disposition de sites de nidification artificiels. Les corrections fluviales ont causé la disparition des colonies en sites naturels, où les dernières reproduction ont été signalées au XIXe siècle sur le lac de Zurich, au début du XXe siècle à Nidau, vers 1920 à Aarberg BE et sur la Thur à Wil et Bischofzell, entre 1920 et 1930 à Gwatt BE et à Flaach-Rüdlingen, vers 1930 à Hagneck BE, en 1934 à l'embouchure de la Thielle NE et à la fin des années trente à l'embouchure du Rhône aux Grangettes VD. Les dernières colonies sur l'Aar entre Olten et Koblenz et sur le Rhin en aval jusqu'à Stein AG/Säckingen D se sont éteintes vers 1940 à Brugg et à Stein/Säckingen, en 1949 à Wildegg-Holderbank, vers 1950 à Leibstadt ; sur le lac de Zoug, des couples isolés ont niché sporadiquement jusque vers 1960. En 1952, il ne subsistait plus que la colonie du Fanel NE/BE, sauvée par l'aménagement d'un îlot artificiel en 1929, puis où des radeaux, plateformes et îles de gravier ont permis à la colonie de se développer dès 1965. A l'embouchure de l'ancien bras du Rhin, une autre colonie a été conservée par la création de trois îlots artificiels près d'Altenrhein SG, où 50-100 couples se reproduisaient au milieu des années septante. Un aménagement semblable a fixé une colonie à la retenue de Klingnau AG, de même que des radeaux ou plateformes recouverts de gravier aménagés sur le lac de Zurich près de Nuolen SZ, au Greifensee ZH, à Verbois GE, aux Grangettes VD, au lac de Morat VD/FR et au lac de la Gruyère FR. Grâce à la création de ces sites de nidification artificiels, les effectifs sont passés de 60 couples en 6 sites en 1940 à 389 en 1976, avant de redescendre à env. 200 couples en moyenne pendant les années huitante puis de remonter à 400 en 1999. Dans la région du lac de Constance, l'effectif nicheur a culminé en 1998 avec 237 couples répartis entre le delta du Rhin A, le Wollmatinger Ried, Mettnau/Radolfzeller Aachmündung D, le Mindelsee, le Lengwiler Weiher et Romanshorn TG. Les dernières colonies en sites naturels à la fin du XXe siècle se trouvaient sur les rives limitrophes du lac de Constance au Wollmatinger Ried D et à l'embouchure de l'Aach près de Bregenz A ainsi que, jusqu'en 1993, sur le Léman à l'embouchure de la Dranse F.
La Sterne pierregarin niche sur les radeaux artificiels, plateformes ou îlots de graviers sur de grandes rivières ou à leurs embouchures, sur des retenues ou dans les baies calmes et abritées des lacs, à l'abri des prédateurs terrestres et à proximité d'eaux riches en bancs d'alevins. Diurne et grégaire, elle se nourrit préférentiellement de poissons de 9-15 cm ou de petits crustacés pêchés sous la surface en plongeant depuis une hauteur de quelques mètres, généralement après un vol sur place et une descente par paliers une fois la proie repérée. Elle disparaît entièrement sous l'eau, atteignant une profondeur de 1 m. Les insectes sont également cueillis en vol au ras de l'eau. La Sterne pierregarin se repose de jour sur les bancs de sable, îlots, enrochements, môles, blocs erratiques, pilotis, radeaux, bateaux, bouées ou flotteurs de filets de pêche. Elle préfère se percher lorsqu'elle est à proximité du rivage mais au large elle se pose aussi sur l'eau pour se reposer ou faire sa toilette. La Sterne pierregarin se rencontre généralement en petits groupes de 5-10 individus, dans certains sites favorables du Léman de rassemblement jusqu'à 50, voire 100 oiseaux. Très bruyante lorsqu'elle est en groupe, elle pousse sans arrêt des cris railleurs « krriiir » ou des « kit-kit » de contact et des « krriiii-aar » d'anxiété.
Les couples se forment dès l'arrivée à proximité des sites de nidification, à l'occasion de cérémonies nuptiales démonstratives : les partenaires se saluent en criant avec des courbettes, ailes pendantes, le mâle offrant des poissons à la femelle avant qu'elle accepte l'accouplement. Le nid est une cuvette peu profonde garnie de débris végétaux à même le sol graveleux, sablonneux ou limoneux, de préférence pauvre en végétation, parfois aussi à même le rocher sur des môles artificiels, exceptionnellement sur une balise. Sa construction débute 3 semaines après l'arrivée des nicheurs sur le site de nidification et dure en général 1-2 jours. La ponte des 2-3 (1-4) oeufs, à un jour d'intervalle, débute au plus tôt dans les premiers jours de mai, en général dès le milieu de ce mois ; les premiers jeunes à l'éclosion ont été observés le 21 mai 1959 au Fanel. L'incubation par le couple, dès la ponte du premier uf, dure 21 à 23 jours. Les jeunes sont capables de voler à 21 jours, mais sont encore nourris pendant la migration, qui s'effectue en famille ; ils sont indépendants à 2-3 mois. Il n'y a qu'une ponte annuelle normale, mais jusqu'à deux pontes de remplacement peuvent avoir lieu en cas de destruction de la première couvée, souvent par noyade lors de crues. Certaines années, les colonies peuvent être temporairement désertées en cas d'une pénurie de nourriture, d'une prédation ou de dérangements trop importants.
En Suisse, la Sterne pierregarin est aujourd'hui entièrement dépendante des interventions humaines en raison de l'altération de ses habitats résultant des corrections fluviales. La création de sites artificiels a permis à la population helvétique de se rétablir, tous les sites naturels ayant tous disparu pendant la première moitié du XXe siècle. Le succès de reproduction est toutefois faible, les couvées étant vulnérables face aux intempéries, crues, dérangements ou prédateurs que sont les rats, l'Autour des palombes, le Goéland leucophée, la Chouette hulotte ou la Corneille noire, certains individus spécialisés pouvant entièrement anéantir une colonie. L'île neuchâteloise du Fanel, où l'espèce a niché entre 1970 et 1980, a été abandonnée par l'espèce en 1981 à cause du Goéland leucophée. La contamination des oiseaux par des PCBs et organochlorés accumulées dans les quartiers d'hiver africains et dans le Rhin influence négativement le succès de reproduction par une fragilisation de la coquille des oeufs : elle est responsable du déclin de la population hollandaise de 42'000-48'000 couples en 1954 à 14'000-19'000 en 1997. Il serait souhaitable de promouvoir la surveillance des sites de nidification existants, la création de nouvelles possibilités de nidification telles que radeaux, plateformes ou îlots de gravier en des lieux adéquats ainsi que la revitalisation des eaux courantes, en restaurant la dynamique alluviale naturelle permettant la formation de deltas. Afin de limiter la prédation des poussins, des caches devraient être aménagées sur les sites de nidification.