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La chronique
de Lionel Maumary

Almanach des migrations

Marouette de Baillon

Lionel Maumary, Oiseaux.ch, 06.10.2008


illustration

Le 27 septembre 2008, le chat d’un collaborateur du Muséum d’histoire naturelle de Genève capture une jeune Marouette de Baillon dans le quartier de St-Jean, en pleine ville. L’oiseau est apparemment indemne, mais amené à la Vaux-Lierre d’Etoy pour examen. La marouette est relâchée le lendemain dans l’étang du sentier nature de Morges. C’est l’une des très rares apparitions de l’espèce en Suisse romande, la première au 3e millénaire !

La Marouette de Baillon est l’un des oiseaux européens les plus mystérieux en raison de sa rareté et de ses mœurs extrêmement discrètes. Cette espèce est non seulement d’observation très difficile, mais son chant nocturne se confond de surcroît dans le chœur des grenouilles, ce qui fait de son repérage un véritable exploit. C’est la naine de nos marouettes, à peine plus grande qu’un moineau.

La Marouette de Baillon niche sporadiquement à travers les zones tempérée, méditerranéenne et steppique d’Eurasie, du Portugal à l’île de Sakhaline en Sibérie orientale, ainsi qu’en Afrique, dans le sud de l’Asie, en Indonésie, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Avec 3'000-5'000 couples, l’Espagne héberge 85 % de la population européenne, le reste se trouvant principalement en Roumanie, Bulgarie, Moldavie, Hongrie et Portugal. La population européenne hiverne probablement en Afrique subsaharienne, du Sénégal à l’Ethiopie, un petit nombre demeurant en hiver autour de la Méditerranée, les oiseaux appartenant à la sous-espèce nominale se dirigeant vers le sud de l’Asie.

En Suisse, l’espèce a niché en 1906 et 1910 dans le Pays de Genève (R. Poncy), en 1919 et 1922 au marais de la Versoix VD/F (O. Meylan), en 1916-18, 1927, 1932 et 1947-48 au Kaltbrunner Riet SG, en 1967, 1970 et 1971 à Chavornay VD et en 1981 à la Thuner Allmend BE. La Marouette de Baillon a en outre été entendue sur la rive sud du lac de Neuchâtel et au Neeracherried ZH, où sa nidification a été suspectée à plusieurs reprises. Entre 1992 et 1994, des mâles ont chanté au lac de St-Point F 850 m, à 10 km de la frontière suisse. En migration, l’espèce est susceptible d’apparaître dans toutes les zones humides du Plateau ; depuis 1950, elle n’a été observée qu’une fois au Tessin, le 26 avril 1992 aux Bolle di Magadino (R. Lardelli).

Les observations en migration postnuptiale ont principalement lieu en août (7 observations de 1950 à 2003, sans les nicheurs) et septembre (9); la dernière donnée récente date des 13-14 octobre 1973 au Fanel BE/NE (G. Roux, J. Weber). Au printemps, les migrateurs arrivent en avril (7) et mai (11); la donnée la plus précoce date du 9 avril 1971 à Ballens VD (P. Charvoz, J.-D. Fontolliet). Il existe en outre une ancienne donnée d’un oiseau trouvé mort en mars 1874 à Zofingen AG. Neuf données de juin et deux de juillet concernent des nicheurs potentiels.

évolution des effectifs Le nombre de Marouettes de Baillon observées en Suisse a chuté de 19 dans les années 70 et 17 dans les années 80 à 5 dans les années 90, l’observation la plus récente étant celle d’un mâle chanteur les 12-15 juin et 13-17 juillet 2001 au Neeracherried ZH (W. Müller et al.), où l’espèce n’avait plus été observée depuis 1991; ces deux courts épisodes de chant suggèrent qu’il y a eu une double nidification en 2001. Bien que cette espèce soit extrêmement difficile à recenser, son déclin généralisé en Europe est manifeste depuis le début du XXe siècle.

La Marouette de Baillon niche dans les vastes prairies à laiches Carex sp. à peine submergées des marais de plaine. Dans les cas de Chavornay VD et de Thoune BE, il s’agissait d’une ancienne glaisière inondée et d’un étang dans un terrain d’exercice militaire, tous deux fortement envahis par les massettes Typha sp. En migration, elle est susceptible d’apparaître dans toutes les zones humides de plaine possédant une végétation palustre suffisamment dense. Elle vit cachée dans la végétation, sortant peu à découvert. Diurne et crépusculaire, elle se nourrit d’invertébrés picorés dans l’eau ou dans la vase, en marchant, nageant et parfois en plongeant ; de petits poissons et des amphibiens sont parfois également capturés. Les graines et pousses de plantes aquatiques complètent le régime alimentaire. La Marouette de Baillon se déplace avec agilité sur la végétation flottante et peut grimper sur les tiges des roseaux. L’espèce a le plus souvent été observée isolément en Suisse, des rassemblements de 2-3 individus étant rarement observés (13 sur 50 données, 1950-2003). Le chant du mâle est une chaîne de sons durs, métalliques et roulés « krrrrr », comparable à la crécelle de la Sarcelle d’été ou d’une grenouille Rana sp.. Les chanteurs entendus durant la nuit ne permettent pas de conclure à la présence d’un couple, les mâles non appariés étant particulièrement loquaces ; au contraire, ils se taisent une fois accouplés.

L’habitat de la Marouette de Baillon s’est réduit en Europe avec le drainage et la destruction des marais. En Hongrie par exemple, où l’espèce était répandue et localement commune au XIXe siècle dans les plaines à l’est du Danube, les drainages ont pratiquement causé sa disparition. La protection des grandes roselières, les mesures de revitalisation des marais par décapage et débroussaillage, la réduction de la fauche annuelle des roseaux sur de grandes surfaces ainsi que la création de petits plans d’eau permettent la nidification de l’espèce et offrent des sites d’escale adéquats.



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