Chronique ornithologique

Un Bec-croisé des sapins retrouvé à 2'400 km en Russie
Un Bec-croisé des sapins bagué le 15 août 2023 au col de Jaman par Nicolas Orliac a été capturé par un chat le 28 juillet 2025 à Malygino, à l'est de Moscou, 2416 km au nord-est. Il s'agit de la reprise la plus lointaine d'un Bec-croisé bagué à Jaman et l'une des 5 reprises les plus lointaines après celles d'un Faucon crécerelle, d'une Bécasse des bois et de deux Tarins des aulnes. Cette donnée montre l'ampleur des mouvements erratiques des Bec-croisés des sapins, pouvant se reproduire en différentes années sur des sites distants de milliers de kilomètres.

Bec-croisé des sapins: n=49, dont 40% bagués en automne au col de Bretolet VS.
La fidélité de l'espèce est documentée par la reprise d'une ♀ ad. baguée le 8.6.1966 au Chasseral BE et contrôlée au même endroit 1 an plus tard. Certaines années, les Becs-croisés des sapins originaires du NE entreprennent des invasions. Par exemple, suite à la grande invasion de 1963, 4 oiseaux bagués en juil./août 1963 au col de Bretolet ont été repris en Russie: j. bagué le 20.7.1963, repris le 25.3.1966 à Lipowski (Arkhangelsk), 2'841 km au NE; ♂ de 1re année bagué le 31.8.1963, capturé le 11.2.1965 à Uchta (Komi), 3'529 km au NE; ♂ de 1re année bagué le 10.8.1963, contrôlé en sept. 1964 à Perm, 3'597 km à l'E; ♂ ad. bagué le 17.7.1963, contrôlé le 2.3.1965 à Usolje (Perm), 3'632 km au NE.
Les oiseaux bagués en Suisse se dirigent vers le S de la France (10 entre le 9.9 et le 6.3 dont 7 bagués au col de Bretolet entre le 22.8 et le 5.9.1963). D'autres invasions, comme celle de 1959, atteignent l'Espagne depuis la Suisse (4 de début sept. au 8.12 et une en été, dont 4 bagués dans le Jura VD/BE entre le 10.5 et le 22.7.1959) et le Portugal: 2 bagués resp. les 19.7 et 27.5.1959 dans le Jura bernois à Romont et au Chasseral, tirés mi-août 1959 à Estoril (Lisbonne) et le 15.11.1959 à Cascaes (Lisbonne), respectivement 1'632 et 1'656 km au SW; d'autre part, 5 oiseaux bagués entre le 21.6 et le 26.7.1959 à Romont ont été contrôlés sur place 3-66 jours plus tard. Un exemple d'erratisme est celui d'un j. bagué le 11.6.1967 à La Brévine NE, contrôlé le 22.10.1967 à Housse (Liège, Belgique), 417 km au NW. Le déplacement le plus rapide est celui d'un j. ♂ bagué le 31.8.1963 au col de Bretolet, capturé 9 jours plus tard à Cabane Neuve (Hérault F), 324 km au SW, ayant parcouru 36 km/jour.
Invasions majeures mises à part, l'origine des hivernants et des migrateurs traversant notre pays est mise en évidence par les reprises d'Allemagne (4 entre le 3.6 et le 13.10), d'Autriche (4 entre le 20.6 et le 22.11), de République Tchèque (1 le 28.7), du N de l'Italie (5 entre le 17.8 et le 25.10 dont 1 bagué comme poussin), de Lettonie (1 le 17.8) et de Russie: ♂ ad. bagué le 19.4.1990 dans la réserve de Kivach (Karélie), tué contre une voiture le 30.1.1991 aux Verrières NE, 2'439 km au SW. La moitié des reprises sont dues à des contrôles par des ornithologues, 18% à la chasse et 10% à des collisions contre des voitures (Maumary et al. 2007).